

Une campagne contre les discriminations à l'égard des personnes LGBT+ s'affiche depuis une quinzaine de jours sur les murs des villes. Sans provoquer de véritable remous.
Une fille serre son père dans ses bras, la tête posée contre son épaule. Sourire aux lèvres, yeux fermés, et ce slogan en gros caractères sur la photo : "Oui, mon père est gay". Ailleurs, c'est une grand-mère qui enlace une jeune fille. Visage radieux, étreinte chaleureuse, et cette autre déclaration qui rappelle la précédente : "Oui, ma petite-fille est trans".
Peut-être avez-vous déjà aperçu ces affiches. Elles font partie d'une série de cinq, toutes déclinées sur le même principe ("oui, ma fille est lesbienne", "oui, mon pote est gay", "oui, ma coloc est lesbienne"), dans le cadre d'une campagne de lutte contre les discriminations liées à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, cet éloge de la différence semble ne susciter en retour qu'une assez large indifférence. A une époque où la moindre petite flammèche se transforme aussitôt en incendie, la campagne n'a pas, à ma connaissance et pour l'instant, fait l'objet de débats enflammés sur les chaînes d'infos. Quelques commentaires désobligeants sur les réseaux sociaux mais il faut les chercher pour les trouver ; tout juste une lettre à son maire d'une conseillère municipale de la ville de Versailles, qui exige qu'on retire au plus vite les affiches au prétexte qu'elles exposent "aux yeux de tous, et en particulier des enfants, des situations sexuelles et familiales qui n'ont pas à être promues ni encouragées". Admettez que ça ne fait pas bézef.
Faut-il y voir le signe d'une plus grande tolérance de la société française sur la question des identités sexuelles et de la non-assignation à un genre particulier ? Hypothèse optimiste, à défaut d’être réaliste, et qui rendrait du coup superflue cette opération de sensibilisation : à quoi bon mobiliser sur un problème qui n’existe plus ?
Peut-être que si cette campagne passe relativement inaperçue, c’est parce qu’elle s’évertue à ne pas montrer les personnes discriminées. Sur les photos, on ne les voit que de dos. C'est l'autre, l’hétéro (du moins l’imagine-t-on ainsi), qui fait face à l'objectif. Ce qui fait dire à un article repéré sur le site MadmoiZelle.com que l'opération est ratée puisque les personnes LGBT+ y sont invisibilisées car sans visage.
Pour ma part, je me garderais bien de trancher, d'autant qu'on ne sait pas ce que les prochains jours nous réservent (les affiches sont en place jusqu'au 6 juin). Mais cette campagne en faveur d’une plus grande tolérance m’a fait penser à un des chefs-d'œuvre méconnu de la chanson française, signé par un auteur-compositeur qui l'est presque tout autant : Alexis HK.
Dans "Coming out", il raconte, à la première personne, le voyage en train d'un fils jusqu'au domicile de ses parents. Garçon "sensible et réfléchi", ayant compris en grandissant qu'il était une femme, le voilà parti pour annoncer la grande nouvelle. Tiré à quatre épingles : jupe étroite, bas noirs et un "long manteau de biche", il s'est fait "belle, belle, belle pour aller les voir". Mais le voyage s'interrompt brutalement, plus tôt que prévu : ‘’trois hommes impulsifs, aux manières de barbares, se saisissent de sa personne et de ses doutes, et l’épargnent du chaos de son coming out’’.
La chanson, poignante, pourrait s'arrêter là. Mais voici que le dernier couplet nous révèle le véritable motif de ce coming out avorté :
J'aurais dû prévoir Qu'il ferait un peu chaud Pour mettre des bas noirs Et mon long manteau de biche Ma jupe est étroite Et je marche en canard Je leur dirai plus tard Que je suis...de droite !
Je m'étais fait Belle belle belle Pour aller les voir…
J'adore cette chanson !
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