

Tout indique que l'argent liquide est amené à disparaitre. Et pourtant...
L'argent liquide porte bien son nom. En particulier la menue monnaie, qui a tendance à s’écouler du portefeuille sans qu’on s’en aperçoive. La pièce de 50 centimes vient toujours à manquer au moment où vous avez le plus envie d’un café au distributeur (oui, à Radio France, le café coûte 50 centimes, on est d’accord que ça n’est pas donné).
Heureusement, l’épidémie de coronavirus est en train de changer tout ça. Finies les pièces jaunes, adieu les billets. Vous l’avez remarqué lorsque vous faites vos courses désormais : le paiement sans contact s’est généralisé. L’hypocondrie générale a eu raison des commerçants les plus réticents, de ceux qui vous jetaient des regards noirs lorsque vous sortiez votre carte bleue pour régler votre baguette et vos croissants. L’argent liquide n’intéressera bientôt plus que les seuls numismates.
Sauf que…pas du tout. La transition vers un monde sans cash n’est pas pour demain. Gardez vos porte-monnaie : ils vont encore servir. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraitre, il n’y a jamais eu autant d’argent liquide en circulation : en valeur, +10 % pour l’euro en 2020, +15% pour le dollar : c’est ce qu’on apprend à la lecture de l’étude que publie le think tank Terra Nova : ‘Le grand paradoxe ou pourquoi le règne du cash est loin de s’achever’.
Paradoxe en effet : la multiplication des modes de paiement a mécaniquement grignoté la part du liquide dans les transactions. Le chèque d’abord, la carte bleue ensuite (n’oublions pas que c’est un Français, Roland Moreno, qui est l’inventeur de la carte à puce), le système Paypal, la téléphonie mobile, les cryptomonnaies…devaient avaler le cash tout cru. Mais de la même manière que la télé n’a pas remplacé le cinéma, ni la voiture le vélo, l’argent liquide est toujours là.
Il y a bien, en Europe, le billet de 500 euros qui a fini par ne plus être fabriqué par les banques centrales à partir de 2019, mais vous ne vous en étiez probablement pas aperçu. Rebaptisé ‘billet Ben Laden’ par les services secrets anglais pour sa capacité à circuler sans être vu, le 500 a fait les frais de la lutte contre la criminalité.
C’est d’ailleurs un des principaux arguments avancés par ceux qui espèrent la fin de l’argent liquide : mieux lutter contre le blanchiment, la corruption, l’évasion fiscale. En 2017, le Comité CAP 2022, mis en place par le gouvernement, préconisait d’aller ‘’vers une société zéro cash pour simplifier les paiements tout en luttant mieux contre la fraude fiscale’’ : il faudra donc attendre encore un peu.
Car l’argent liquide, non seulement résiste, mais il prospère. Malgré le Covid-19, ou peut-être d’ailleurs grâce à lui. C’est un des enseignements de l’étude de Terra Nova : ‘’la crise sanitaire a suscité une véritable ruée vers le cash’’. Si son utilisation dans les transactions est bien en baisse (il est utilisé dans 59% des paiements en France aujourd’hui), les épargnants ont retiré en masse des espèces, ‘une hausse de l’épargne de précaution dans sa forme la plus liquide’.
Pourquoi ? Parce qu’en temps de crise, le cash rassure, il est palpable. C’est ‘’le moyen de paiement le plus résilient, son usage ne dépendant pas d’une infrastructure spécifique contrairement aux modes de paiement digitaux’’, plus vulnérables. Par ailleurs, ‘’il protège les données personnelles’’, versant positif de son usage discret. Usage par ailleurs gratuit et universel : vous ne payez pas pour vous en servir, contrairement à votre carte bancaire.
Bref, si vous pensiez que la pandémie aurait raison de votre petite monnaie, ça n’est pas le cas. Aucune excuse donc pour me refuser une pièce de 50 centimes si jamais on se croise au distributeur : c’est pour un café…
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