Il y a 10 ans, la catastrophe de Fukushima prend des airs de fin du monde. Le nucléaire civil est donné pour mort. Pourtant, 10 ans plus tard, l’atome n'a pas dit son dernier mot.
Il y a 10 ans, la catastrophe de Fukushima prend des airs de fin du monde. Le nucléaire civil est donné pour mort. Pourtant, 10 ans plus tard, l’atome est loin d’avoir dit son dernier mot. C’est la transition de ce matin.
Elle nous renvoie au 11 mars 2011. Il est 14h46, heure locale, lorsqu’un séisme de magnitude 9 se produit à 80 kilomètres au large de l’île japonaise d’Honshu. Une secousse d’une puissance considérable, qui engendre un tsunami dévastateur : une partie du littoral japonais est noyé sous des vagues atteignant par endroits jusqu’à 30 mètres de hauteur. Les victimes directes vont se compter par milliers.
Contrairement au 11 septembre 2001, je ne me souviens pas précisément de ce que je faisais ni où j’étais lorsque j’ai appris la nouvelle. Mais j’ai un souvenir très net de la profonde angoisse qui nous a saisis lorsqu’il s’est avéré que la centrale nucléaire de Fukushima Dai ichi avait elle aussi été submergée, cette submersion provoquant une série de réactions en chaine, notamment la fusion du cœur de 3 des 6 réacteurs : le pire qui puisse advenir. Allions-nous, nous aussi, succomber à cette catastrophe ?
Dans ‘’Fukushima, 10 ans après’’, publié ces jours-ci aux éditions de la Maison des sciences de l’homme, la sociologue Cécile Asanuma-Brice revient sur la panique qui s’est alors emparée de la population japonaise, d’autant plus traumatisée que le souvenir d’Hiroshima et Nagasaki y est encore vif. Le plus surprenant dans son récit, c’est la rapidité avec laquelle les autorités du pays vont chercher à tourner la page de la catastrophe. De victimes, les personnes déplacées à cause de la contamination radioactive sont progressivement transformées en assistées, puis soupçonnées de se complaire dans leur statut de réfugiées de l’intérieur pour toucher les aides. Le nucléaire, lui, n’est pas fondamentalement remis en cause par les dirigeants japonais.
En mars 2011 pourtant, tout semble indiquer que cette façon de produire de l’énergie n’a plus d’avenir. Trop risquée. 4 jours seulement après la catastrophe de Fukushima, Angela Merkel annonce la sortie définitive de l’Allemagne du nucléaire. D’autres pays vont suivre ou bien confirmer leur intention de s’en tenir à l’écart. En France, en 2012, François Hollande est élu avec un programme qui prévoit de réduire la part du nucléaire de 75% à 50% dans la production d’électricité à l’horizon 2025, au nom de ‘’l’excellence environnementale’’.
En 2021 pourtant, cette part est toujours de 70%, très loin de l’objectif annoncé. L’Autorité de sureté nucléaire vient de prolonger de 10 ans la vie des plus vieux réacteurs. La prise en compte, tardive, de la crise climatique, est passée par là. L’énergie nucléaire est considérée comme une des plus propres, peu émettrice de gaz à effet de serre, bien moins que les énergies fossiles. Au point que certains écologistes s’en font les défenseurs.
Certes, comme le relève ce matin Libération, on ne compte plus aujourd’hui que 412 réacteurs dans le monde contre 429 il y a 10 ans. Mais cette lente érosion pourrait bien être stoppée, tant la perception de l’urgence climatique a permis de réhabiliter de manière spectaculaire l’énergie nucléaire, du moins dans le débat français.
Je ne rentrerai pas ici dans le fond de ce débat. Mais cette façon de remettre en selle ce qu’on pensait voir disparaitre me fait penser à ce qui s’est passé en 2008, avec la crise financière, censée mettre à terre le capitalisme. Le 25 septembre 2008, à Toulon, moins de 15 jours après la faillite de Lehman Brothers, Nicolas Sarkozy va même jusqu’à décréter qu’‘’une certaine idée de la mondialisation s’achève avec la fin d’un capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l’économie’’ : vous connaissez la suite.
Et j’ai bien peur qu’il en aille de même pour le monde d’après le Covid, dont nous étions si nombreux à nous gargariser il y a tout juste un an. Comme s’il était décidément impossible d’apprendre quoi que ce soit des grandes catastrophes, de tenir les promesses qu’on s’était faites juste après…
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