Giscard et l'écologie : l'étreinte glorieuse ?

VGE, un chasseur sachant chasser, un président écolo ?
VGE, un chasseur sachant chasser, un président écolo ? ©Getty - Philippe Caron
VGE, un chasseur sachant chasser, un président écolo ? ©Getty - Philippe Caron
VGE, un chasseur sachant chasser, un président écolo ? ©Getty - Philippe Caron
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Il y a un aspect qui est peu évoqué à propos du septennat de VGE : son bilan environnemental. Est-ce parce qu'il n'y a rien à en dire ?

Moderne dans sa façon de mettre en scène le pouvoir (on le voit jouer au foot, pianoter sur un accordéon, s’inviter à la table des Français) ; moderne dans les réformes de société menées sous son septennat (majorité à 18 ans, loi sur l’IVG, réforme du divorce), Valéry Giscard d’Estaing pouvait-il se prévaloir de cette même modernité à propos de l’écologie ?

Sur le papier, ça commence mal. 1974 : exit le ministère de l’Environnement, créé par Georges Pompidou. VGE le fait disparaitre…du moins sous cette appellation. A la place, un ministère de la Qualité de la vie est créé, occupé successivement par André Jarrot, André Fosset et Vincent Ansquer : pas vraiment des personnalités politiques de premier plan.

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Il faut attendre 1978 pour que l’Environnement fasse son grand retour dans l’intitulé d’un ministère, avec une pointure à sa tête, Michel d’Ornano, qui se voit également confier le Cadre de vie. Un portefeuille élargi, qui lui permet de chapeauter les services de l’Equipement, jusque-là tout puissants. Une vraie révolution, comme me l’a confié Henri Jaffeux, le président de l’ Association pour l’Histoire de la Protection de la Nature et de l’Environnement

Pour comprendre cette révolution, il faut revenir à la France pré-giscardienne. Après-guerre, le pays se transforme. De Gaulle puis Pompidou accélèrent. Grands chantiers, grands aménagements, grands ensembles : les 30 Glorieuses sont aussi celles de la démesure. Mais les années 70 accouchent d’une remise en cause de cette fuite en avant. La population ne se satisfait plus de vivre dans des cages à lapin, au milieu de la pollution et du bruit. Elle réclame une meilleure qualité de vie : c’est toute l’astuce de Giscard que de placer l’Equipement sous la tutelle de l’Environnement, et de récupérer cette préoccupation de la Qualité de vie pour en faire un mantra politique.

Il faut dire que le début de la décennie est celui de l’émergence de l’écologie. Certes, son candidat, René Dumont, n’obtient que 1.3% des suffrages à la présidentielle de 1974, mais l’époque est marquée par le 1er sommet de la Terre, l’occupation du Larzac ou encore la publication du rapport Meadows sur les limites de la croissance.

La croissance justement : un an après l'arrivée de Giscard au pouvoir, elle est en berne, conséquence du choc pétrolier de 1973. N’est-ce pas l’occasion rêvée pour le jeune Président de tout remettre à plat ? En 1978, dans un long entretien au journal Le Monde, VGE explique sa vision des choses : ‘’mon objectif est que nous retrouvions un taux de croissance supérieur à celui de ces quatre dernières années. Mais cette nouvelle croissance n’est ni une croissance sauvage ni une croissance zéro. L’économie et l’écologie y sont réconciliées. Elle permet à la fois de respecter les équilibres de l'environnement et d'améliorer les conditions de vie des Français’’ : on croirait entendre un discours de 2020.

Cela a d’ailleurs beaucoup été souligné : il y a, si ce n’est une filiation, du moins des traits communs entre les présidents Macron et Giscard d’Estaing, cette manie du en même-temps qui caractérise les centristes, et qui, s’agissant de VGE et d’environnement, s’incarne dans ce qui restera la grande loi de son septennat : celle du 10 juillet 1976, sur la protection de la nature.

Avec cette loi, la cause environnementale fait un grand pas en avant. Elle offre aux associations une reconnaissance officielle et leur donne la capacité d’ester en justice. On sait aujourd’hui l’importance des contentieux dans ce domaine.

Il peut dès lors paraitre contradictoire que cette grande loi ait été votée sous la présidence d’un si grand chasseur. Je ne parle pas ici de la chasse au gaspi, qui fit les beaux jours des publicités officielles après le 2e choc pétrolier en 1979. Mais plutôt de safaris en Afrique. Valéry Giscard d’Estaing allait y chasser le buffle, la gazelle et l’éléphant. Un président moderne, certes, mais d’une autre époque.

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