

Et si notre empreinte carbone individuelle nous servait de passeport à l’avenir dans nos relations sociales ?
Thierry Marx a beau être un chef conscient des enjeux écologiques (il s’approvisionne dans un rayon de 300 kms maximum et a réduit la place de la viande à la carte de ses restaurants), il n’en reste pas moins un grand voyageur, souvent entre deux avions pour rendre visite à ses enfants aux Etats-Unis ou à ses établissements au Japon. Résultat : il émet à lui seul 20 tonnes d’équivalent CO2 par an, soit deux fois plus que la moyenne des Français.
Dans un exercice louable de transparence (surtout eu égard aux résultats), le chef étoilé a accepté de calculer son empreinte carbone annuelle pour le compte du dernier numéro de l’Obs. L’hebdomadaire a eu l’excellente idée de demander à une poignée de personnalités de se livrer à cet exercice. Où il apparait que le député France Insoumise François Ruffin a un mode de vie un peu plus sobre que la navigatrice Isabelle Autissier : moins de 7 tonnes d’équivalent CO2 par an pour l’un comme pour l’autre.
Il y a quelques mois, j’avais tenté de calculer, plus ou moins à la louche, mon propre bilan annuel, lequel dépassait légèrement les 8 tonnes, ce qui me permettait de sauver l’honneur en tant que chroniqueur censé s’intéresser à la crise climatique et environnementale : j’étais en deçà de la moyenne nationale. Le papier de l’Obs m’a remis en mémoire cette idée qui m’était alors passée par la tête : pourquoi ne pas faire de notre bilan carbone un élément de distinction ?
Imaginez nos cartes de visite avec la mention de nos noms et prénoms, notre profession, notre mail et nos coordonnées téléphoniques, et cette ligne supplémentaire : empreinte carbone : 8 tonnes. Ou bien dans une lettre de motivation pour un nouveau job : Madame, Monsieur, j’ai l’honneur de solliciter un poste au sein de votre société. Très concerné par l’avenir de la planète, je n’émets moi-même que 8 tonnes de CO2 par an, et compte bien profiter de mon expérience à vos côtés pour faire beaucoup mieux…
Des sites de rencontre spécialisés feraient de ce critère leur principal argument marketing : vous êtes célibataire ? vous triez vos déchets ? vous ne voyagez plus qu’en train ? Rejoignez-nous sur ‘’CO2mylove.com’’ et rencontrez l’âme sœur. Les petites annonces du Chasseur français changeraient de tonalité : homme tendre et passionné, 54 ans, cherche femme pour refaire sa vie et réduire son bilan carbone.
A l’Université, les étudiants les plus engagés dans la lutte contre le réchauffement se mettraient à organiser des réunions en non-mixité : interdites aux plus de 10 tonnes par an. Au Palais Vivienne, un célèbre collectionneur organiserait des soirées clandestines ‘’100% imports, zéro produits locaux, bilan carbone non exigé’’.
Le magazine Forbes et son classement des personnalités les plus riches du monde serait détrôné par le palmarès annuel des stars les moins polluantes. Bill Gates serait néanmoins toujours dans le peloton de tête, eu égard à son très modeste budget habillement (je vous rappelle que l’industrie de la mode, à laquelle le fondateur de Microsoft contribue si peu, est une des plus émettrices de gaz à effet de serre).
Evidemment, cette façon de voir les choses aurait quelques inconvénients. La Chine, qui ambitionne d’atteindre la neutralité carbone en 2060 (et on connait l’efficacité de la planification chinoise) se servirait de ce critère pour renforcer son contrôle social sur la population : vous avez dépassé votre crédit carbone quotidien, veuillez rentrer chez vous.
Tout ceci parait un peu dingue mais vous savez quoi ? Je ne parierais pas sur le fait que rien de tout ça n’arrivera jamais.
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