L'abeille, un concentré d'intelligence

les abeilles, ces ’'petites baies roussâtres, assez semblables à des grains de café torréfié'' (M.Maeterlinck)
les abeilles, ces ’'petites baies roussâtres, assez semblables à des grains de café torréfié'' (M.Maeterlinck) ©Getty - Westend61
les abeilles, ces ’'petites baies roussâtres, assez semblables à des grains de café torréfié'' (M.Maeterlinck) ©Getty - Westend61
les abeilles, ces ’'petites baies roussâtres, assez semblables à des grains de café torréfié'' (M.Maeterlinck) ©Getty - Westend61
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Le 20 mai a été choisi par l'ONU pour célébrer la journée mondiale des abeilles.

Comme de nombreuses espèces animales, les abeilles ont profité du confinement de ceux qui se nourrissent du fruit de leur travail. De nombreux apiculteurs en témoignent : leurs ruches n'ont jamais donné autant de miel qu'en ce printemps. La baisse de la pollution aurait eu un effet bénéfique sur leur activité.

Pour autant, il ne s'agit que d'un répit et c'est bien parce que les abeilles sont durablement menacées que les Nations Unies ont décidé, il y a 3 ans, de leur consacrer une journée mondiale. La résolution, adoptée le 20 décembre 2017, évoque ‘’la nécessité de résoudre d'urgence le problème du déclin, à l'échelle mondiale, de la diversité des pollinisateurs, et des risques que ce déclin comporte pour l'agriculture durable et l'approvisionnement en denrées alimentaires’’, étant entendu qu'une large part de la biodiversité et donc de notre alimentation dépend du travail de pollinisation.

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Mais l'approche utilitariste ne saurait justifier à elle seule l'attention toute particulière portée aux abeilles. Ces ‘’petites baies roussâtres, assez semblables à des grains de café torréfié ou à des raisins secs’’ comme les décrit l’écrivain Maurice Maeterlinck quand il les observe à l’intérieur des ruches, se suffisent à elles-mêmes en terme d’intérêt. Et comme souvent lorsqu'on regarde d'un peu plus près une espèce animale, celle-ci s'avère bien plus intelligente qu’elle ne le laisse d’abord supposer.

Il est vrai, peut-on lire dans le chapitre qui leur est consacré dans l’ouvrage Révolutions animales, qu’elles possèdent ‘’un si petit cerveau (1 millimètre cube) qu’on les considère bien souvent comme uniquement capables de comportements simples et réflexes’’. Mais après tout, nous dit encore Maeterlinck dans sa ‘’Vie des abeilles’’, ‘’un habitant d’une autre planète, qui verrait les hommes aller et venir presque insensiblement par les rues, se tasser autour de certains édifices, attendre on ne sait quoi au fond de leurs demeures, en conclurait aussi qu’ils sont inertes et misérables’’ (remarquez, il aurait peut-être en partie raison).

Mais revenons à la science et à ses avancées, telles que les racontent les auteurs du chapitre de Révolutions animales. Les découvertes récentes démontrent qu’elles sont en mesure, par déduction, de reconnaitre un arbre qu’elles n’ont jamais vu mais de l’identifier en tant qu’arbre, en raison de ses caractéristiques. ‘’Les abeilles sont bel et bien capables non seulement d’apprendre, mais aussi d’appréhender des règles abstraites, de classer des objets selon leur degré de symétrie, ou encore de juger de leurs propres capacités de réussite face à une tâche complexe’’ : celles et ceux qui ont fait l’école à domicile pendant le confinement savent à quel point de telles performances relèvent de l’exploit.

Mais davantage que celle de l’individu, c’est l’intelligence globale de la société des abeilles qui fascine, en ceci que son organisation nous renvoie toujours un peu à la nôtre. Comme le notent Pierre-Henri et FrançoisTavoillot dans leur introduction à ‘’L’abeille et le philosophe’’, ‘’on en a fait l’emblème de la monarchie ou de l’empire, mais aussi de l’anarchie, de la démocratie, du communisme, voire de la société de marché’’.

On serait tenté, à la lecture du livre de Maeterlinck, d’ajouter : voire de la société tout court, en tant que corps collectif. Car comme il l’écrit si bien, ‘’l’abeille est avant tout un être de foule. Elle ne peut vivre qu’en tas. Quand elle sort de la ruche si encombrée qu’elle doit se frayer à coups de tête un passage à travers les murailles vivantes qui l’enserrent, elle sort de son élément propre. Elle plonge un moment dans l’espace plein de fleurs, comme le nageur plonge dans l’océan plein de perles, mais sous peine de mort, il faut qu’à intervalles réguliers, elle revienne respirer la multitude. La cité dégage pour elle un aliment invisible aussi indispensable que le miel.’’

Passionné d’apiculture, Maurice Maeterlinck publie son livre en 1901. 10 ans plus tard, il obtient le Nobel de littérature. L’aurait-il obtenu sans le concours des abeilles ?

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