L'environnement est-il raciste ?

en 2005, la plupart des sinistrés, suite au passage de l'ouragan Katrina à La Nouvelle Orléans, sont des afro-américains
en 2005, la plupart des sinistrés, suite au passage de l'ouragan Katrina à La Nouvelle Orléans, sont des afro-américains ©Getty - Elhenyo
en 2005, la plupart des sinistrés, suite au passage de l'ouragan Katrina à La Nouvelle Orléans, sont des afro-américains ©Getty - Elhenyo
en 2005, la plupart des sinistrés, suite au passage de l'ouragan Katrina à La Nouvelle Orléans, sont des afro-américains ©Getty - Elhenyo
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Alors que les manifestations anti-racistes se poursuivent, quel lien peut-on établir avec un autre combat : celui pour la défense du climat et de l'environnement ?

Il y a un an, une partie de la jeunesse mondiale manifestait pour la défense du climat. Aujourd’hui, elle marche contre le racisme. Bien sûr, ce ne sont pas exactement les mêmes qui s’expriment, et par ailleurs, on ne peut pas réduire ces mouvements à une question générationnelle. Il n’empêche que ces mobilisations semblent participer d’un phénomène de conscientisation de la jeunesse.

Certains y verront peut-être une forme d’éparpillement des luttes, dans la mesure où, à première vue, les deux sujets n’ont rien à voir. Contrairement au racisme, le changement climatique ne fait pas de tri : il touche tout le monde, de manière indiscriminée. C’est un combat nécessairement universel puisque nous sommes tous concernés.

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Sauf que…nous ne sommes pas tous concernés de la même façon. L’exposition aux risques environnementaux se manifeste de manière inégale, en fonction des territoires bien sûr, mais aussi des caractéristiques des populations qui y habitent : les plus pauvres sont les plus vulnérables. Pour reprendre la formule de La Fontaine dans ‘’Les animaux malades de la peste’’, ‘’selon que vous serez puissant ou misérable’’, vous ne subirez pas les effets du changement climatique de la même manière.

Le constat qu’il existe des inégalités environnementales ne date pas d’hier. Le concept émerge aux Etats-Unis, à la fin des années 60. Il documente le fait que certains groupes sociaux sont discriminés à la fois dans l’accès aux ressources (comme l’eau par exemple) et l’exposition aux nuisances et à l’insalubrité. Or il se trouve que les minorités ethniques y sont surreprésentées. D’où la notion de racisme environnemental : voilà le point de convergence.

L’exemple qui vient en premier à l’esprit est celui de l’ouragan Katrina, en 2005. La ville de La Nouvelle-Orléans se retrouve sous les eaux. Parmi les sinistrés, la plupart sont des Noirs, ils vivent en zone inondable. Les Blancs, eux, sont sur les hauteurs. La lenteur de la réaction de l’administration Bush va conforter cette idée d’un deux poids-deux mesures.

Autre exemple, celui de la ville de Flint, dans le Michigan, toujours aux Etats-Unis. Une crise sanitaire y éclate en 2014 : l’eau potable est contaminée au plomb. Le fait qu’une majorité de victimes soient noires ne prouve rien dans la mesure où à Flint, les Afro-américains sont majoritaires. Mais il faut attendre deux ans pour que le gouverneur du Michigan déclare l’état d’urgence. Ce qui inspire cette question au New York Times : ‘si Flint était riche et majoritairement blanche, l’Etat n’aurait-il pas réagi plus rapidement ?

Cette notion de racisme environnemental est délicate à manier car complexe à démontrer. Le racisme suppose un caractère intentionnel. Or, comme le relève en guise d’ex le Dictionnaire de la pensée écologique, ‘’la présence simultanée d’industries polluantes et de minorités ethniques ne signifie pas nécessairement que les populations sont victimes de racisme puisque cela dépend de leur dynamique d’installation : l’arrivée des populations après celle des industries peut s’expliquer par leur pauvreté économique’’. Discrimination sociale, oui, discrimination raciale, pas forcément.

En France, si la crise du Covid19 a mis en lumière des discriminations de cet ordre à travers le cas de la Seine Saint Denis, cette notion de racisme environnemental est peu usitée. D’abord parce que nous n’avons pas la même approche décomplexée qu’aux Etats-Unis sur les questions ethniques. Ensuite parce que le mouvement écologiste y est sans doute moins sensible. Comme l’expliquait le politiste Daniel Boy samedi dernier dans Politique !, la clientèle électorale de l’écologie se recrute dans les grandes villes universitaires, davantage que dans les quartiers populaires.

Au final, si la lutte contre le racisme et celle pour le climat convergent, c’est peut-être moins dans leur dimension idéologique que symbolique. Comme le souligne le site Reporterre qui vient de consacrer un article à ce sujet, les mots prononcés par George Floyd avant de mourir étouffé résonnent d’une étrange manière si l’on pense à notre avenir sur cette planète. ‘’I can’t breathe’’ : ‘’je ne peux pas respirer’’.

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