L'important, c'est de participer ?

pas facile de faire ses courses samedi au centre commercial Italie 2
pas facile de faire ses courses samedi au centre commercial Italie 2 ©AFP - LUCAS BARIOULET
pas facile de faire ses courses samedi au centre commercial Italie 2 ©AFP - LUCAS BARIOULET
pas facile de faire ses courses samedi au centre commercial Italie 2 ©AFP - LUCAS BARIOULET
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Si la crise climatique ne peut se résoudre en dehors du cadre démocratique, la crise de la démocratie peut-elle trouver une issue grâce au changement climatique ?

Etant entendu, selon les mots de Churchill, que la démocratie est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres, c’est bien dans ce cadre imparfait mais nécessaire qu’il convient de penser les réponses à la crise climatique. Les régimes autoritaires n’ont rien à y faire. Comme l’explique le philosophe Dominique Bourg dans un dossier du Monde consacré à l’écofascisme, ‘’les raisons pour lesquelles les démocraties peinent à répondre aux défis écologiquesassumer des privations au présent pour un bénéfice futurrendent encore moins probable l’émergence d’une dictature écologique anticipatrice, conçue pour épargner à l’humanité des maux futurs’’ Les dictateurs n’ont pas intérêt à prendre des mesures trop impopulaires.

Le problème, c’est que la démocratie représentative ne s’y risque pas non plus, obnubilée qu’elle est par les échéances électorales. Pour être élu, ou réélu, il faut plaire. Toute mesure impopulaire — car la crise climatique exige que certaines le soient — se heurte à l’angoisse des représentants de ne pas être reconduits.

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De ce point de vue, le week-end qui vient de s’achever est intéressant à plus d’un titre. Il aura été le théâtre d’expressions multiples qui, sans remettre en cause le principe de la représentation, lui donnent un petit coup de vieux, en remettant les citoyens au centre du jeu, et en ouvrant de nouveaux espaces de participation et de légitimation du politique, sans passer nécessairement par le vote.

Episode le plus spectaculaire, car le plus inédit : l’installation de la Convention citoyenne pour le climat. Après avoir été tirées au sort, 150 personnes ont été sélectionnées pour composer un échantillon représentatif de la société française. Ce qui fait événement, c’est la nature de leur mandat : ‘‘définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030’’ : responsabilité colossale pour des citoyens lambda. D’autant que, comme le rappelait hier le collège des garants de la Convention dans un communiqué,  "les recommandations formulées par les citoyens seront transmises au Président de la République et au Gouvernement, qui s’engagent à les soumettre sans filtre, c’est-à-dire sans modifications ou transformations, au Parlement, au référendum, ou à en faire une application réglementaire."

Si la promesse est tenue, il sera intéressant de voir comment réagit le législateur. Le cas échéant, le pouvoir exécutif et les parlementaires oseront-ils s’opposer à ce qui fera office d’expression de la volonté populaire ? Iront-ils jusqu’à contester la légitimité de décisions venues d’en bas ? Véritable défi que de trouver la bonne distance : leur capacité à dire non, parfois, sera aussi un gage du bon fonctionnement des institutions.

Dans un tout autre style, les militants d’Extinction Rebellion ont occupé, pendant une quinzaine d’heures, le Centre commercial Italie 2 à Paris, dans le 13e arrondissement, point de départ d’une semaine de mobilisations imaginée par cette toute jeune organisation, à qui on ne pourra pas dénier un réel talent à médiatiser ses actions. Sur la forme, ce fut un peu foutraque, il y fut notamment question de cette grande illusion qu’est la convergence des luttes. Et d’aucuns considèreront que c’est une façon bien étrange de faire vivre la démocratie, que d’interdire à d’autres l’accès à un lieu public, et d’en barbouiller les façades.

Mais ce qui est intéressant ici, c’est le public visé par cette occupation. Extinction Rebellion entend faire pression sur les gouvernements pour qu’ils agissent sur le climat. Sauf que ce week-end, ce n’est pas le pouvoir politique qui était interpellé. Pas même le pouvoir économique. Mais ce petit pouvoir que détient chaque consommateur, dans un lieu où le superflu surpasse le nécessaire : celui d’acheter ou de ne pas acheter. Une façon de faire de chaque client un acteur politique à part entière.

En conclusion, on pourrait donc faire le constat suivant : si la crise climatique ne trouvera pas d’issue en dehors de la démocratie, la crise de la démocratie est peut-être en train de trouver des réponses dans le défi auquel nous confronte le réchauffement climatique.

par Hervé Gardette

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