La loi anti-gaspillage est discutée cette semaine à l’Assemblée, après l’avoir été au Sénat. Le texte initial prévoyait la mise en place d’une consigne pour les bouteilles en plastique. Une idée qui est loin de faire l’unanimité.
Il n’y a pas de meilleur piège à guêpe qu’une bouteille en plastique coupée en deux dans le sens de la hauteur : la partie supérieure est enchâssée dans le socle inférieur, le fond baigne dans une mixture à base de confiture ou de miel. La bête s’y précipite, elle ne retrouve jamais la sortie.
Eu égard à notre consommation quotidienne de bouteilles en plastique, la France pourrait fabriquer, chaque jour, 25 millions de ces pièges. Soit davantage sans doute qu’il n’y a de guêpes à capturer. Oui mais alors, que faire de ces milliards de bouteilles en plastique consommées chaque année ?
Les recycler ! Les poubelles jaunes sont faites pour ça. Mais le jaune n’est semble-t-il pas la couleur préférée de l’usager. Près de la moitié des bouteilles en plastique ne sont pas correctement triées. La France est encore très loin des objectifs fixés par l’Union européenne : 90 % de recyclage en 2029.
Pour s’en approcher, le gouvernement a donc eu l’idée de ressusciter la consigne, et de le faire dans le cadre de la loi anti-gaspillage débattue depuis hier à l’Assemblée nationale. Le principe est connu : le prix de chaque bouteille est majoré à l’achat, de l’ordre d’une quinzaine de centimes. Lorsque la bouteille est vide, le consommateur la rapporte dans un point de collecte, et récupère les centimes.
Ce mécanisme d’incitation financière, bien que portant sur des sommes modestes, fonctionnait très bien autrefois avec les bouteilles en verre. C’était de l’argent de poche facile à gagner. Et dans les pays qui ont adopté cette pratique pour le plastique, les chiffres sont concluants : ainsi l’Allemagne qui revendique un taux de recyclage de 98 %.
Seulement voilà, si à l’échelle du consommateur, il n’est question que de centimes, l’écosystème du recyclage, lui, est une affaire de gros sous. Le réorganiser, c’est modifier les équilibres financiers.
En France, ce sont les collectivités territoriales qui gèrent le ramassage des déchets ; elles ont également investi dans des centres de tri. Avec la consigne, les bouteilles plastiques disparaissent du circuit. Pour les élus, c’est un manque à gagner, sachant que le plastique des bouteilles, une fois trié, est revendu à bon prix. A quelques mois des municipales, le sujet est hautement inflammable.
D’autres arguments ont émergé pendant la discussion au Sénat. La consigne serait anti-écologique, elle inciterait les consommateurs à acheter toujours plus de plastique. Par ailleurs, comme le relèvent les auteurs d’un article publié hier par The Conversation, ‘’il n’est pas certain que les émissions des gaz à effet de serre dues au transport des déchets jusqu’aux points de collecte rendent le bilan carbone de la consigne intéressant''. Ce serait aussi un cadeau fait aux multinationales : pour des géants comme Coca-Cola ou Danone, la consigne donne accès à une matière première bon marché : ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les grands groupes y sont à ce point favorable.
On verra bien ce qu’il advient de ce projet. Mais les péripéties qui l’entourent sont riches d’enseignement. D’abord parce qu’elles démontrent, une fois de plus, qu’une décision en apparence logique et vertueuse, peut s’accompagner d’effets inverses à ceux recherchés. Ensuite parce qu’elles restreignent le champ de la réflexion, en faisant du recyclage l’unique option pour les bouteilles en plastique. Or, puisqu’il est avéré que leur surconsommation génère d’importantes pollutions, pourquoi ne pas, tout simplement, les interdire ?
Evidemment, j’entends déjà les objections : c’est le retour des chars soviétiques, on fera bientôt la queue devant les magasins d’Etat pour s’approvisionner. Sauf que cette mesure existe déjà. Elle existe à San Francisco : la vente de bouteilles plastique y est interdite dans l’espace public. Elle existe aussi dans la loi française. La loi Egalim, votée il y a un an, prévoit qu’au 1er janvier 2020, les bouteilles d’eau plate en plastique seront interdites dans la restauration collective. Pourquoi ne pas généraliser, à terme, une telle mesure ? Les députés ont justement voté hier soir un amendement visant à interdire les plastiques à usage unique d’ici 2040.
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