

Faut-il valoriser les produits les plus qualitatifs ? Ou bien pointer du doigt ceux qui ne le sont pas assez ? Labelliser le bien ou le mal ?
Comment distinguer ce qui est bon de ce qui l’est moins ? Comment savoir, lorsque vous faites vos courses, si le produit A est plus sain que le produit B ? S’il a été produit dans de meilleures conditions environnementales et sociales ?
C’est tout l’enjeu de la labellisation, qui permet par exemple de mettre en avant des pommes parce qu’elles sont bios, du chocolat parce qu’il est équitable, de la viande de bœuf parce qu’elle est Label rouge ou encore du pain de mie parce qu’il est classé A sur l’échelle du Nutriscore. Chacun de ces labels ou de ces logos est censé donner des gages de meilleure qualité aux produits sur lesquels ils sont apposés, et donc d’éclairer le choix du consommateur.
Reprenons le cas du chocolat. Soit il est équitable, et cela signifie que les producteurs locaux ont reçu une juste rémunération pour leur travail, dans le respect de leurs droits fondamentaux, et en prenant garde à limiter les atteintes à l’environnement. Soit il ne l’est pas, et donc, par déduction, il est inéquitable, ce qui signifie des salaires plus faibles pour les paysans, peu ou pas de liberté syndicale, et une attention moindre portée à l’impact environnemental.
Sauf que dans ce second cas, cela n’apparait pas sur l’étiquette. Vous ne trouverez pas, dans le commerce, de tablette avec le message suivant : ‘ce chocolat a été récolté en payant les petits producteurs à coups de lance-pierre, et après avoir dévasté plusieurs hectares de forêt.’ Aucun industriel n’accepterait de s’auto-flageller…à moins d’y être contraint. Après tout, c’est bien ce qui est imposé aux fabricants de cigarettes : les paquets sont de véritables incitations à ne pas fumer.
Dans une précédente chronique, en octobre 2019, j’avais évoqué les réflexions de l’économiste américain Raj Patel à propos de cette étrange alternative qui consiste à responsabiliser l’individu plutôt que le distributeur. Pourquoi la responsabilité du choix entre un produit équitable et un produit qui ne l’est pas est-elle laissée à l’appréciation du seul consommateur ? Pourquoi n’est-ce pas la loi qui s’en charge ? se demandait l’économiste dans le documentaire ‘’L’illusion verte’’.
Et bien en lisant le JDD hier, je suis tombé sur une tribune qui complète cette réflexion de manière intéressante. Elle est signée d’un certain Sébastien Loctin, fondateur de Biofuture, une entreprise qui commercialise des produits bio. Le titre de la tribune : ‘’Supprimons le label bio !’’, interpelle de la part d’un professionnel du secteur.
En voici un extrait : ‘’Comment se réjouir que 7% de notre alimentation soit bio ? La réalité est que 93% de nos achats alimentaires restent soumis aux pesticides, à l’ultra-transformation ou aux additifs. Le bon sens n’imposerait-il pas que nous mettions un label ‘chimique’ sur les produits non bio, ultra-transformés ou remplis d’additifs, qui nous sont aujourd’hui présentés comme la norme ?’’
Autrement dit, au lieu d’apposer des signes distinctifs sur ce qui est le meilleur, ce qui revient à en faire des produits d’exception, pourquoi ne pas faire le contraire ? Pourquoi ne pas mettre en avant les produits les moins qualitatifs sur le plan nutritionnel, social et environnemental ?
Certes, cela reviendrait à nouveau à faire porter la responsabilité du choix sur les individus plutôt que sur les industriels, mais on peut imaginer que ces derniers seraient sacrément encouragés à améliorer leurs produits. C’est sans doute une idée un peu farfelue, mais je serais tout de même curieux de la voir mise en œuvre.
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