Le coronavirus met tout le monde d'accord

qu'on soit libre-échangiste ou protectionniste, le coronavirus nous donne raison
qu'on soit libre-échangiste ou protectionniste, le coronavirus nous donne raison ©Getty - PeopleImages
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Le coronavirus nous conforte dans nos convictions... quelles que soient nos convictions.

Il est trop tôt pour tirer les leçons politiques de l’épidémie de coronavirus. Mais quand bien même le temps sera venu de le faire, il faudra se méfier des conclusions définitives. Car en cette période de grande transition écologique, chacun peut y trouver de quoi consolider ses propres convictions. Voire ses obsessions.

Prenez par exemple le cas du magazine Valeurs actuelles. Dans un article publié hier, l’hebdomadaire fait le lien entre phénomène migratoire et propagation du virus : ‘’Les mouvements de population décloisonnent l’infection’’, ‘’le seul moyen de s’en protéger’’, c’est donc de ‘’contenir’’ les migrations. Cette approche rejoint la façon dont le Rassemblement national articule aujourd’hui préoccupation écologique et lutte contre l’immigration.

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On peut aussi se servir du coronavirus pour dénoncer les excès du tourisme mondialisé. Il ne s’agit plus dans ce cas de stigmatiser les immigrés, mais de s’opposer au tourisme de masse, non pas qu’il soit directement responsable de la diffusion de la maladie, mais parce qu’il agit comme le symbole d’une mondialisation dérégulée.

Ce qui peut aussi servir d’argument aux partisans du protectionnisme économique : l’activité en Chine est fortement ralentie, le coronavirus exhibe notre niveau de dépendance à l’égard de ce pays dont les soubresauts font tousser l’économie mondiale. Et ce davantage qu’au début du siècle, au moment de l’épidémie de SRAS : ‘’La Chine’’ écrit Le Figaro, ‘’pèse aujourd’hui quatre fois plus dans la richesse mondiale. La planète est donc suspendue à la santé de son économie.’’

Les libéraux auront tendance à considérer que cette crise valide au contraire les bienfaits de la mondialisation. Si les Chinois souffrent aujourd’hui, c’est parce qu’ils ne peuvent plus bénéficier des échanges avec l’extérieur. La fermeture des frontières, pour raisons sanitaires, les coupe du reste du monde : c’est quand elles sont ouvertes que la Chine se porte le mieux.

Reprenant cette antienne, Dominique Seux, le directeur des Echos, éditorialiste sur France Inter, ajoute un autre argument, qui relève lui de la géopolitique : les vertus qu’aurait le coronavirus à relancer le multilatéralisme. Une course est engagée : ‘’celle de la réponse collective au virus’’ : ‘’Les Chinois ont séquencé le génome’’, ‘’les instances politiques comme celles du G7 se réunissent’’ : à crise mondiale, nécessité d’une réponse planétaire.

Cette façon de faire coïncider sa propre grille de lecture avec les effets du coronavirus fonctionne encore s’agissant du système politique. Si vous êtes partisan d’une forme d’autoritarisme, eu égard notamment à la crise climatique et environnementale, vous saluerez l’efficacité du système chinois, capable d’ériger un hôpital en 15 jours, sans être parasité par les organisations syndicales et le droit du travail. Si au contraire vous défendez la démocratie et l’universalité des droits humains, la façon dont cette crise est gérée par le régime communiste démontre le danger d’un tel système : les images d’une population confinée et contrôlée par des drones est particulièrement effrayante.

Pour les défenseurs de la biodiversité, le coronavirus illustre et condamne les agressions que l’homme mène contre la vie animale. L’épidémie a démarré à Wuhan, sur un marché connu pour ses ventes illégales (mais tolérées) d’espèces sauvages. Le pangolin, mammifère couvert d’écailles, qui fait l’objet de contrebande, aurait servi de véhicule au virus.

Considérons enfin la collapsologie, ce courant de pensée qui mise sur un effondrement prochain de notre civilisation industrielle : civilisation considérée comme d’autant plus vulnérable qu’elle repose sur des systèmes complexes et hyper connectés. Si l’un d’entre eux s’effondre, le reste suit. Evidemment, on n’en est pas là avec le coronavirus mais les effets de l’épidémie sur l’activité économique, sur les cours du pétrole, sur les flux touristiques, témoignent de l’intrication des différents systèmes, et de leur fragilité.

Bref, le coronavirus met tout le monde d’accord, mais pas pour les mêmes raisons. Il sera difficile d’en tirer des leçons.

par Hervé Gardette

26 min

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