Ce n’est pas que je ne crois pas au déconfinement. C’est que je n’ai pas envie d’y croire. Nuance. Trop peur d’être déçu. La crise sanitaire m’aurait-elle rendu méfiant ?
Elle est parfaite cette petite maison dénichée sur le net, idéale pour se ressourcer. De jolies chambres, un joli jardin, une terrasse ombragée, des sentiers de randonnée à proximité. Piscine privative. Animaux acceptés. Et le prix, imbattable : 500 euros la semaine en plein Périgord noir ! Décidément, c’est votre jour de chance…sauf qu’après avoir bien renseigné toutes les cases, après avoir saisi vos coordonnées bancaires, le propriétaire du gîte vous apprend que ‘désolé mais la maison n’est pas disponible à cette date !’
C’est rageant, n’est-ce pas, ce genre de fausse-joie ? Un peu comme quand vous recevez dans votre boite à lettres un courrier qui vous informe que vous avez été tiré au sort et que vous êtes l’heureux gagnant d’un million d’euros, avant de vous apercevoir que non, en fait, vous n’avez rien gagné du tout, il fallait lire les mentions légales écrites en tout petit sur la dernière page du fascicule.
Et bien voilà à quoi me fait penser, par anticipation, le clip vidéo mis en ligne avant-hier par le président himself, Emmanuel Macron. Un film publicitaire d’une minute à peine dans lequel on distingue, pêle-mêle, des enfants qui s’ébrouent à l’air libre telle une flopée de pigeons, des groupes d’adolescents à la démarche chaloupée, des clients attablés à la terrasse d’un café, des visiteurs de musée, des sportifs en salle, des supporters au stade et même un public de concert, le tout ponctué par une série de dates, du 3 mai jusqu’au 30 juin : c’est la bande-annonce du déconfinement.
Je ne sais pas qui a fait ça mais il faut reconnaitre que c’est assez efficace. Voir la vie reprendre progressivement son cours au rythme d’images aussi fugaces et léchées que suggestives, voilà qui fait particulièrement envie. Et ça tombe bien puisque manifestement, c’est le but recherché. Mais comme dans certains films où le réalisateur s’amuse à glisser une dernière scène après le début du générique de fin, le clip présidentiel réserve une surprise dans son ultime seconde. Une ligne qu’on distingue à peine, au bas de l’écran, comme une note de bas de page sur un contrat d’assurance. On peut y lire ceci : ‘’sauf situation sanitaire départementale dégradée’’.
Sauf situation sanitaire départementale dégradée. Qu’est-ce que cela veut dire ? Non pas d’un point de vue littéral, ça on le comprend, mais d’un point de vue symbolique ? Et bien que toutes ces réjouissances qu’on nous laisse entrevoir, les terrasses, les musées, les concerts, que cette libération des corps et des esprits après des mois passés à vivre entre parenthèses, que ce moment après lequel nous courons depuis plus d’un an, va peut-être nous échapper au dernier moment, comme la jolie petite maison dans le Périgord noir. Nous allons être déconfinés…sous réserve de ne pas pouvoir l’être. On va pouvoir refaire la fête…à moins que ce ne soit pas possible.
Je comprends parfaitement la prudence qui a du guider l’inscription discrète de cette mention dans le dernier plan du clip. Imaginons une reprise de l’épidémie qui nécessite à nouveau de verrouiller le pays, Emmanuel Macron pourra toujours dire : ‘ah mais moi j’ai jamais promis que c’était sûr à 100% le déconfinement, il fallait regarder le film jusqu’au bout’.
Comme dirait mon chat, humain échaudé craint l’eau froide. Il y a tout juste un an, le 11 mai, nous pensions en avoir fini avec les restrictions. Le monde d’après nous promettait monts et merveilles. On ne peut pas dire que la suite a été à la hauteur des attentes. J’irais même jusqu’à dire que depuis les premières mesures de contrôle sanitaire, j’ai tendance à ne plus croire que ce que je vois. En ce qui me concerne, ce sera donc le déconfinement…selon saint Thomas.
L'équipe
- Production