Le monde à l'envers

cette carte est-elle à l'envers ? ou bien n'est-ce qu'une question de point de vue ? (copie écran Google maps)
cette carte est-elle à l'envers ? ou bien n'est-ce qu'une question de point de vue ? (copie écran Google maps) ©Radio France - HG
cette carte est-elle à l'envers ? ou bien n'est-ce qu'une question de point de vue ? (copie écran Google maps) ©Radio France - HG
cette carte est-elle à l'envers ? ou bien n'est-ce qu'une question de point de vue ? (copie écran Google maps) ©Radio France - HG
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Le Nord est en haut. Le Sud est en bas. Sauf si on regarde son plan dans un autre sens.

Si vous êtes comme moi des utilisateurs de Google Maps, il vous est peut-être déjà arrivé d'être désorienté suite à une erreur de manipulation. Une pression mal contrôlée du pouce et de l'index sur votre écran tactile et tout est sens dessus dessous. Inversion des points cardinaux. C'est ainsi que l'autre jour, Monaco s'est momentanément retrouvée sur mon smartphone à la place de Lille, et Brest du côté de Strasbourg.

Nos vieilles cartes routières se froissaient plus facilement, mais du moins ne pouvait-on les lire qu’à l’endroit (au prix parfois de quelques contorsions). La toponymie respectait scrupuleusement l'axe Nord-Sud sur lequel nous avons appris à nous situer. Enfants, cette représentation du monde fit naître en nous l'intuition, merveilleuse et effrayante, que les Chinois vivaient avec la tête à l’envers.

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C'est tout l'intérêt de la numérisation des cartes que de bousculer, fût-ce par accident, nos certitudes géographiques. Et de nous faire réaliser à quel point celles-ci dépendent de critères arbitraires. Ainsi le Nord, qui est en haut, aurait pu tout aussi bien être en bas. Rien ne l'interdit, si ce n'est les conventions, lesquelles n'ont pas toujours été aussi strictes.

’Les cartes eurent ainsi plusieurs orientations au fil des siècles’’, avec toutefois un point commun : ‘’leur partie supérieure était perçue comme plus importante que leur partie inférieure. De ce fait, elles furent orientées vers les éléments jugés essentiels pour la culture et les croyances dominantes de l’époque : la résidence d’un empereur, la Mecque, le lever du soleil, le paradis’’. Ce n’est que plus tard, avec notamment l’invention de la boussole, que l’orientation actuelle finit par s’imposer.

Voilà une des innombrables choses qu'on peut apprendre à la lecture de "Pourquoi le nord est-il en haut ? Petite histoire des conventions cartographiques", publié aux éditions Autrement. Son auteur, le cartographe Mick Ashworth, y répond à des questions qu’on n’avait pas eu l’idée de se poser, comme par exemple le choix des couleurs pour distinguer la mer de la terre ferme (le bleu de la mer ne va pas de soi), celle des teintes pour marquer les reliefs (les basses altitudes doivent-elles plus claires ou plus foncées que les hautes ?), ou encore le délicat tracé des frontières : autant de choix qui nous paraissent évidents et qui pourtant ne le sont pas.

Revenons à notre orientation Nord-Sud, et à l’habitude que nous avons de consulter des cartes qui placent l’Europe au centre de l’image. Dans son livre, Ashworth en publie une autre tout à fait déroutante : la ‘’Carte universelle rectificative du monde’’ de Stuart Mac Arthur. Elle date de 1979 et place l’Australie au centre et en haut, ce qui a pour effet visuel immédiat de renvoyer notre pays dans les marges, comme quantité négligeable, et par-là même de modifier notre vision du monde.

Avec Google Maps dans notre poche, nous sommes désormais suivis à la trace, chacun de nos déplacements ayant vocation à être enregistré dans la mémoire de l’application. Mais la cartographie numérique a cet avantage indéniable de nous permettre, d’une simple pression du pouce, de bousculer nos représentations, de mettre Paris tout en bas et Marseille tout en haut. Essayez un peu et vous verrez les choses sous un autre angle.

Et on ne saurait trop conseiller de faire avec les idées la même chose qu’avec les cartes : changer de point de vue pour envisager le monde autrement. Mais ça, le moins qu’on puisse dire, c’est que l’univers numérique ne le permet pas encore. Bien au contraire.