La chronique sur les avocats et le localisme nous a valu quelques courriers.
Je l’ai bien cherché. Dans la chronique que je consacrais mardi dernier à la culture de l’avocat en particulier, et aux limites du localisme en général, j’anticipais la réception de quelques messages de protestation qui, pour être tous très cordiaux, n’ont pas manqué de venir remplir ma boite mail.
A dire vrai, le premier est arrivé par texto. Un proche donc, contestant mon affirmation selon laquelle la France métropolitaine n’est pas adaptée à la culture de l’avocat, sauf à dépenser une fortune en arrosage. ‘’Je connais un endroit dans le sud, à Roquebrune-Cap Martin, où ils poussent tous seuls, personne ne s’en occupe, il n’y a plus qu’à les ramasser’’ Objection recevable (au passage, je veux bien l’adresse), même si j’entendais par culture l’existence d’une véritable filière. Laquelle filière n’est pas près de voir le jour : ce serait une aberration écologique, ça l’est déjà en Espagne (même si j’ai reçu hier un communiqué de presse de la WAO, la World Avocado Organization, qui m’explique que le volume d’eau dont l’avocat a besoin est moindre que pour les pommes ou les bananes)
Je faisais néanmoins l’hypothèse, purement théorique, d’un changement de climat en France, autorisant à l’avenir une production locale d’avocats : serait-elle plus écolo ? L’économiste Bruno Parmentier m’avait répondu que non, pas forcément. A l’appui de sa démonstration : non pas deux avocats mais deux moutons, l’un néo-zélandais, l’autre auvergnat, le premier transporté par bateau, le second par camion. Victoire du néo-zélandais : meilleur bilan carbone.
‘’Il me semble’’ m’écrit Benoit, ‘’que les agneaux néo-zélandais ne sont pas élevés dans le port d’Auckland mais au contraire de manière extensive sur toute l’île. Je ne pense pas qu’ils se rendent à pattes prendre leur bateau, surtout une fois abattus, mais qu’ils ont droit aussi à un camion. Je pense plutôt que l’agneau auvergnat roule moins que son cousin.’’
Il me semble, Benoit, que vous avez du style et que vous avez raison (tout comme Pascal, Naïma et Bérangère, qui m’ont écrit à peu près la même chose, ajoutant au passage l’urgente nécessité de relancer le transport par voie de chemin de fer). Mais pour autant, Bruno Parmentier n’avait pas tort : j’avais omis de préciser (mea culpa) que dans sa démonstration, l’agneau néo-zélandais ne mange que de l’herbe quand l’auvergnat est nourri aux céréales et au soja. Là encore, il s’agit d’une hypothèse, visant à démontrer la complexité du calcul des émissions de gaz à effet de serre, la distance parcourue n’étant pas le seul critère pertinent pour se faire une idée.
Où s’arrête la témérité ? Où commence l’imprudence ? J’évoquais ensuite un article du site libéral Contrepoints, une critique du localisme, l’auteur considérant, démonstration à l’appui, que cette approche ne pouvait être économiquement viable.
Nouvelle salve de courriels : ‘’je suis en désaccord’’ avec cette approche me dit Patrick, exploitant agricole, ‘’certains pensent qu’il vaut mieux quelques gros producteurs que des milliers de petits pour répondre à un besoin. Je pense l’inverse’’. ‘’C’est le consommacteur qui fera son choix’’ ajoute Rémi ‘’car le moins cher n’est pas souvent le plus responsable. Vous entendre diffuser les arguments de ceux qui pensent que la loi du marché reste le passage obligatoire pour la transition écologique me paraît totalement contreproductif’’. Arnaud va même jusqu’à me faire l’honneur de me parodier : ‘’c_ette petite musique qui consiste à faire passer la globalisation pour la victime de l’engouement locavore actuel est tout de même assez gonflé_’’.
Mais il est temps de conclure et de tirer quelques leçons : 1.nos auditeurs ont beau être attentifs, ils n’en sont pas moins sympas / 2.parler de transition écologique vous met dans la situation, pas toujours confortable, d’être considéré comme le porte-parole d’une cause à défendre / 3.contrairement à ce que j’imaginais, écrire une chronique à partir de courriers d’auditeurs n’est pas plus rapide : j’y ai passé ma journée.
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