

Selon The Guardian, des quantités inhabituelles de méthane ont été enregistrées au-dessus de l'Arctique. Cette ''découverte'' demande encore à être validée. Elle nous alerte néanmoins sur l'impact des émissions de ce gaz sur l'effet de serre.
Il y a quelques semaines, une célèbre enseigne de fast-foods nous invitait à ‘’respirer les pets du changement’’ (‘’breathe the farts of change’’) Sa promesse : des burgers moins polluants. Sa trouvaille : la citronnelle qui, une fois incorporée dans l’alimentation des vaches, aurait pour effet de réduire leurs flatulences, et par conséquent les émissions de méthane au moment de leur digestion.
Le méthane n’est pas le plus connu des gaz à effet de serre, mais il n’en est pas moins brutal. Si sa durée de vie dans l’atmosphère est de l’ordre d’une dizaine d’années (ce qui est assez court si on le compare par ex au protoxyde d’azote, qui lui y reste 120 ans !), son pouvoir réchauffant est bien plus important que les autres gaz. Pour vous donner une idée, sur une durée de 20 ans, une tonne de méthane équivaut (en termes de participation au réchauffement) à 84 tonnes de CO2.
C’est un peu compliqué à visualiser mais retenez une chose : le méthane est un puissant gaz à effet de serre, dont les émissions augmentent à un rythme annuel de 9% depuis le début des années 2000 (y compris cette année, malgré la pandémie). La faute aux ruminants ? Pas seulement. Vous ne pouvez pas vous contenter, pour faire baisser les émissions, de réduire votre consommation de viande. Il va aussi falloir renoncer à la paëlla et au risotto. Car les rizières sont une autre source importante de méthane. Tout comme les zones humides, les végétaux en décomposition, les décharges à ciel ouvert et l’exploitation des hydrocarbures.
Depuis le début de l’ère industrielle, la concentration moyenne de méthane dans l’atmosphère a été multipliée par 2.5, ce qui en fait, derrière le CO2, une des principales causes, directe et indirecte, du changement climatique. Et nous n’avons peut-être encore rien vu. Car le pire serait à venir.
Le pire ? La libération, dans l’atmosphère, de quantités phénoménales de méthane, pour l’instant prisonnières du permafrost (ou si vous préférez du pergélisol), c’est-à-dire le sous-sol gelé dans la région de l’Arctique. Avec la hausse des températures (et cette hausse est particulièrement sensible dans cette partie du globe), on pourrait assister à une hausse vertigineuse des émissions de ce gaz. La fonte du pergélisol fait d’ailleurs partie de ce qu’on appelle les seuils de rupture climatique, qui ont pour spécificité de déclencher des cercles vicieux d’emballement du climat.
Oui mais tout ça, me direz-vous, c’est théorique. Pas tant que ça, si on en croit un article que vient de publier The Guardian. Le journal britannique fait état d’une découverte inquiétante : des gisements de méthane gelés et concentrés dans les profondeurs de l’océan Arctique seraient en train de remonter à la surface, et menaceraient de gagner l’atmosphère. Les scientifiques à l’origine de cette découverte mentionnent des concentrations à la surface de l’eau 4 à 8 fois supérieurs à la normale.
Il y a de quoi être inquiet, mais pas de paniquer. D’abord parce que de l’aveu même des scientifiques, les données récoltées sur le terrain demandent encore à être analysées plus finement, avant une hypothétique publication : tout reste donc à prouver. Par ailleurs, l’étude des climats anciens permet de relativiser le risque d’un dégagement soudain de méthane suite au réchauffement des régions arctiques. Comme l’écrivent les auteurs du livre ‘’Climat : passé, présent, futur’’ (Belin), durant les périodes interglaciaires les plus chaudes, pendant lesquelles la température globale était supérieure de 2 degrés à notre période actuelle, la quantité de méthane dans l’atmosphère est restée assez stable. ‘’Ces faits suggèrent que si un réchauffement du même ordre a lieu dans les prochaines décennies, il ne modifiera pas de façon sensible la quantité de méthane présente dans l’atmosphère’’.
Vous étiez inquiets : je vous ai rassuré. Vous êtes rassurés : attention quand même. Car que se passera-t-il si le réchauffement dépasse les 2 degrés ? Eh bien on n’en sait rien, le passé ne nous est d’aucun secours, ce serait le grand saut dans l’inconnu, un possible basculement, un emballement climatique dont il est extrêmement difficile aujourd’hui d’anticiper les effets. Le mieux, c’est donc de tout faire pour limiter le plus possible le réchauffement, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, dont le méthane, véritable épée de Damoclès.
(outre l'article et l'ouvrage cités, ont été utilisés pour cette chronique : un article de The Conversation : ' Les chercheurs sur la piste du méthane en Arctique' ; un article des Echos : ' Méthane, l'autre gaz coupable en 4 questions' et deux autres ouvrages ci-dessous)
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