Pétrole, le sevrage impossible

Les Pays du Golfe, qui se targuent de "diversification", financent leurs villes nouvelles et zéro carbone avec l'argent... du pétrole.
Les Pays du Golfe, qui se targuent de "diversification", financent leurs villes nouvelles et zéro carbone avec l'argent... du pétrole. ©Getty - warodom changyencham
Les Pays du Golfe, qui se targuent de "diversification", financent leurs villes nouvelles et zéro carbone avec l'argent... du pétrole. ©Getty - warodom changyencham
Les Pays du Golfe, qui se targuent de "diversification", financent leurs villes nouvelles et zéro carbone avec l'argent... du pétrole. ©Getty - warodom changyencham
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En conclusion de cette semaine de transitions hors de nos frontières : ces pays qui n’arrivent pas à imaginer l’après-pétrole, car l'or noir est leur quasi unique source de revenus.

Savez-vous ce qu’on appelle le syndrome ou le mal hollandais, « Dutch Disease » ?

Lorsqu’un pays dépend essentiellement d’une ressource, comme ce fut le cas du gaz dans les années 60 aux Pays-Bas après la découverte d’immenses gisements - d’abord dans le nord-est du pays, puis dans tout le pays et en mer du nord - quand ce pays voit ses revenus d’exportations devenir tributaires des recettes générées par cette ressource, alors progressivement, il va d’abord voir sa monnaie s’apprécier, la compétitivité de ses autres exportations s’effondrer ; il va devenir ultra-dépendant de cette ressource et tomber dans une économie de rente, soumise à l’inflation et aux variations des cours.

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Ce schéma peut s’appliquer à plusieurs pays producteurs de pétrole qui à force de s’être reposés sur cette économie exclusive, y sont devenus soumis. Ce n’est pas pour rien que l’un des fondateurs de l’Opep, un Vénézuélien, désignait le pétrole par cette expression : « l’excrément du diable ». Son pays le Venezuela est tellement dépendant du pétrole que les Etats-Unis n’ont eu qu’à imposer des sanctions sur l’industrie pétrolière pour asphyxier une économie déjà exsangue… Nicolas Maduro en est réduit aujourd’hui à proposer un plan « pétrole contre vaccin » pour se sortir de la crise sanitaire.

Le Venezuela donc, mais aussi le Nigéria, l’Irak, la Libye… autant de pays qui ne s’en sortent pas sans leurs exportations de pétrole. Il arrive pourtant qu’ils aient des éclairs de lucidité et de vision de long terme, en général quand les cours du pétrole baissent, ils promettent tout d’un coup, croix de bois, croix de fer, qu’ils vont diversifier leur économie… Mais… ne sont-ce pas les cours du pétrole qui remontent, là ? Et les devises qui tombent comme le brut dans les cuves ? Tant pis pour les bonnes intentions, on repassera.

C’est exactement ce qui s’est passé en Algérie. Un peu dans les années 70, un peu dans les années 80, et surtout à la fin des années 90 quand la crise asiatique fait s’effondrer les prix du pétrole, on étudie sérieusement les options pour sortir de cette addiction aux hydrocarbures, avec le succès que l’on sait. Ce n’est pas faute d’avoir d’autres exemples sous la main, des cas d’école à étudier, avec leurs qualités et leurs défauts. La Norvège par exemple, qui n’attend pas tout de ses ressources en hydrocarbures et a développé par ailleurs.. la pêche, le transport maritime.

Pourquoi cette transition est-elle impossible ? En Algérie, il faut voir à quoi sert cette rente pétrolière : pour partie à alimenter des réseaux clientélistes - le Hirak a suffisamment dénoncé ce détournement d’une partie de la manne - mais aussi à acheter la paix sociale. Pourquoi le printemps arabe n’a pas pris en Algérie, ou pas longtemps, en 2011 ? Parce qu’à l’époque Abdelaziz Bouteflika a pu piocher directement dans l’argent du pétrole, secteur nationalisé et taxé à 99%, pour mettre en place dans l’urgence des programmes sociaux, proposer des logements, augmenter les fonctionnaires, subventionner davantage les prix des denrées alimentaires et de l’électricité… aucune mesure sociale de long terme, mais de quoi calmer la colère pendant quelque temps, ce que n’a pas pu faire à l’époque en Tunisie son voisin Ben Ali.

Sauf qu’aujourd’hui, cette possibilité se tarit. Les revenus du pétrole ont sérieusement diminué et là ce n’est pas une question de cours du pétrole mais de mauvaise gestion des champs pétrolifères, qui ne produisent plus autant qu’avant. Un million de barils par jour contre deux et demi attendus. Huit milliards et demi d’euros, tel est le manque à gagner du secteur pétrolier. On oublie parfois le Hirak, le mouvement social en Algérie a aussi une dimension écologique, n’a-t-on pas vu des cortèges de manifestations, il y a un an, s’opposer à la prospection et à l’exploitation du gaz de schiste ? Les Algériens voudraient que soient imaginées enfin, vraiment, des alternatives aux hydrocarbures. 

Certains présentent comme « modèles » les Pays du Golfe qui prétendent aujourd’hui être dans cette diversification salutaire, sauf pour l’environnement puisqu’en l’occurrence il s’agit de développer l’industrie de l’aluminium… Et quoiqu’il en soit, même quand il s’agit de financer des villes nouvelles, des cités entières zéro carbone, tout cela c’est avec l’argent du pétrole que l’Arabie saoudite et les Emirats le financent… On ne mord pas la main qui nous nourrit. Encore moins quand celle-ci est au bout du bras de la foreuse.

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