

Dans cette période de transition se pose la question du meilleur lieu d’habitation. Faut-il vivre en ville pour moins polluer ? Ou vivre à la campagne pour moins subir la pollution ?
J'ai grandi en province, dans une petite cité-dortoir, à une époque où la France périphérique n’existait pas encore. Un lotissement pavillonnaire, borné sur un côté par un champ de maïs, pas tout à fait la campagne mais déjà plus la ville. Pour aller à Clermont-Ferrand, il fallait prendre le car. Ou attendre d’avoir le permis de conduire.
Y retourner pour mes vieux jours ? Plus je m’en approche, et plus je reste à Paris. Si l’effondrement écologique doit avoir lieu, je préfère le vivre en ville plutôt qu’au sein d’une communauté de néo-ruraux. L’appel du béton plutôt que le retour à la terre. Par commodité, et par conviction.
Il faudrait, non pas construire des villes à la campagne comme le préconisait Alphonse Allais, mais rapatrier la campagne en ville, rapport à la pollution engendrée par l’étalement humain. Sauf à imaginer des bassins de population statiques, cette dilatation des zones d’habitation se traduit par davantage de déplacements, donc davantage d’émissions de CO2. Le mouvement des Gilets jaunes, déclenché par la hausse des prix du carburant, était aussi un révélateur de cet aménagement du territoire, qui conduit à l’étalement.
Comme l’écrit l’historienne Valérie Chansigaud dans Les Français et la nature : "La ville est un espace essentiel (sans doute le plus essentiel de tous) pour la sauvegarde de l’environnement : elle permet de réduire considérablement l’impact environnemental par individu car les transports, la gestion des déchets, le chauffage sont plus facilement maîtrisables dans un espace dense de population qu’en habitat dispersé’’.
Cette approche ne fait pas l’unanimité. Guillaume Faburel est professeur à l’Institut d’urbanisme de Lyon. Il est l’auteur des Métropoles barbares, aux éditions du Passager clandestin. Pour lui, le projet d’un retour à la ville n’a rien d’écologique. D’abord parce qu’il sert d’alibi à ceux qui détiennent le pouvoir politique et économique, l’un et l’autre étant de plus en plus concentrés dans les métropoles : densifier les villes accroît leur pouvoir, ils y ont donc tout intérêt. Ensuite, me dit-il, parce que ‘’la densification urbaine nous déprend totalement du contact avec la nature. Il n’y a plus d’expérience de vie avec le vivant. Il faut au contraire désurbaniser la terre, la désartificialiser. L’écologie la plus vertueuse, c’est celle qui nous éviterait d’être dans la démesure.’’
Avec l’esprit de synthèse qui le caractérise, Bernard Cazeneuve, invité des Matins avant-hier, essaie de rapprocher ces deux points de vue dans le long article qu’il consacre à ‘’ La grande transformation écologique’’, dans le dernier numéro du Débat. ‘’De nombreux maires de communes rurales sont comptables, au travers de leurs décisions, de cette dynamique d’étalement urbain, mais n’oublions pas qu’il s’agissait, pour l’essentiel, d’une stratégie de survie économique et démographique…Il faut désormais soutenir massivement les élus qui s’engagent dans des opérations de densification urbaine’’. ‘’Pour autant, ajoute-t-il, la densification urbaine ne doit pas se faire aux dépens des poumons verts dans les villes, aucun puits à carbone ne doit être sacrifié au nom d’opérations d’urbanisme’’.
Cette question de savoir comment nous devons (et comment nous souhaitons) habiter le territoire dans le cadre de la transition écologique et solidaire devrait être un des enjeux des prochaines élections municipales. On verra bien si c’est le cas. Espérons en tout cas que face à un tel défi, les erreurs du passé servent de leçon.
Dans son roman Les petits enfants du siècle, Christiane Rochefort racontait la vie d’une adolescente dans les années 1950, dont la famille accède à la modernité en allant habiter dans une tour en banlieue parisienne, du côté de Bagnolet, puis à Sarcelles. Le bonheur sera de courte durée. On sait depuis ce qu’a produit cette politique des grands ensembles.
par Hervé Gardette
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