A cause du changement climatique, le courant océanique ralentit dans l'Atlantique. Un effet domino ?
J’espère que vous avez bien profité de la récréation d’hier, une pure chronique de rentrée scolaire sur un sujet léger, facile à comprendre. Pour les retardataires, je rappelle qu’il était question de sandales, d’escarpins, et de la façon la plus élégante de porter –ou pas- des chaussettes. Ce matin, changement de programme, on tape dans le dur, sortez vos stylos et vos cahiers : je vais vous parler du Gulf Stream.
Qu’est-ce que le Gulf Stream ? C’est un courant marin, c’est-à-dire une masse d’eau, large et profonde, qui se déplace d’un point à un autre, à la manière d’un tapis roulant. Son mouvement dépend notamment du sens des vents dominants et de celui de la rotation de la Terre. S’agissant du Gulf Stream, le trajet s’effectue d’Ouest en Est, du golfe du Mexique vers l’Atlantique Nord, ou si vous préférez, des plages des Bahamas jusqu’aux côtes islandaises.
Les eaux qu’il transporte ont pour principale caractéristique d’être chaudes, entre 24 et 28 degrés. C’est grâce à son pouvoir réchauffant que les plus valeureux d’entre vous parviennent par ex à se baigner pieds nus l’été sur les rivages bretons. Pieds nus, voire sans tricot de peau, car le Gulf Stream a aussi pour vertu d’adoucir l’atmosphère, et ce, en été comme en hiver. Si le climat sur le littoral de l’Europe de l’Ouest est ce qu’il est, c’est -en partie- à ce courant marin qu’il le doit et à la chaleur de ses eaux de surface. On peut parler d’une sorte de régulateur thermique.
Seulement voilà, il y a un hic : le Gulf Stream ne circule plus aussi bien qu’autrefois. Il a même considérablement ralenti au cours des dernières décennies. Une étude publiée jeudi dernier dans la revue Nature Geoscience estime même qu’il n’a jamais été aussi faible depuis plus d’un millénaire, et qu’il pourrait même disparaitre, momentanément, d’ici la fin du siècle.
Pourquoi cette disparition ? A cause du réchauffement climatique, ou plutôt à cause de l’effet produit par ce dernier sur la calotte glaciaire. Que se passe-t-il ? Celle-ci est en train de fondre. En fondant, elle libère de l’eau douce dans l’eau de mer. L’eau douce (qui par nature n’est pas salée) est moins dense que l’eau de mer. La nouvelle masse perd donc de sa densité. Moins lourde, elle va avoir plus de mal à faire ce qu’elle fait d’habitude, à savoir plonger vers les profondeurs afin de repartir vers le sud. C’est comme si le mécanisme du tapis roulant était enrayé.
Nous avons vu les causes, voyons à présent les conséquences. Les auteurs de l’étude estiment que si le ralentissement du Gulf Stream se poursuit, alors il pourrait entrainer tout un tas de réjouissances en Europe, comme par exemple des tempêtes plus fréquentes, des hivers plus intenses et des vagues de chaleur encore plus nombreuses. Quant à la côte Est des Etats-Unis, elle se verrait confrontée à une augmentation du niveau de la mer, ce qui n’est guère plus enthousiasmant. Mais ce ralentissement pourrait aussi avoir des effets positifs. En effet, si le Gulf Stream s’arrête, son pouvoir réchauffant va lui aussi diminuer, le refroidissement pourrait limiter la fonte de la calotte glaciaire.
A vrai dire, tout cela est au conditionnel. Comme souvent avec le climat, il n’est pas si facile de prévoir ce que peut produire un dérèglement du mécanisme. Va-t-on vers un basculement incontrôlable ? et si oui de quel ordre ? C’est bien là l’enjeu majeur de la lutte contre le changement climatique : ne faut-il pas tout faire pour ne pas avoir à connaitre les réponses à ce genre de questions ?
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