

Le secteur des transports est un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre. La pandémie complexifie encore un peu plus sa nécessaire réorganisation.
S’il y a un poste que je n’aimerais pas occuper en ce moment (et ça tombe bien puisqu’on ne me l’a pas proposé), c’est celui de Jean-Baptiste Djebarri : ministre des Transports. En ces temps de pandémie, de crise économique et de changement climatique, voilà un portefeuille qui consiste à devoir résoudre, eu égard aux enjeux, la quadrature du siècle.
Comment par exemple sauver les emplois du secteur aéronautique tout en profitant de l’opportunité écologique liée à la dégringolade du trafic aérien ? Vous me direz que le ministre en question s’en fiche, à ceci près que son administration est désormais rattachée au ministère de la Transition écologique. La baisse des émissions de gaz à effet de serre est donc censée l’intéresser a minima, sachant qu’en France, le secteur des transports est le premier contributeur de ces émissions, à hauteur de 30 %.
Autre dilemme : comment développer les transports en commun, seule alternative soutenable pour réduire l’empreinte carbone de nos déplacements, tout en respectant les règles de distanciation voulues par la crise sanitaire ? Le coronavirus a eu aussi cet effet pervers que de favoriser le recours aux modes de transports individuels. Quand c’est au profit du vélo ou de la marche, tout va bien. Mais quand la crainte des transports collectifs se traduit par un usage plus important de l’automobile, voilà qui pose problème pour un secteur toujours très dépendant des énergies fossiles, en l’occurrence du pétrole.
On peut par ailleurs se demander comment garantir la pérennité économique des bus, tramways et autres métros, si le télétravail est amené à se développer durablement, et donc si leur fréquentation diminue ? Moins de déplacements domicile-bureau, c’est aussi moins d’argent pour les opérateurs. Jean-Baptiste Djebarri vient justement de lancer à ce sujet une mission sur l’avenir économique des transports en commun en France.
Cette complexité et ces tensions entre politiques de long terme pour lutter contre le changement climatique, et réponses de court terme pour sauver des secteurs économiques fragilisés par la crise sanitaire, apparaissent clairement dans le ‘ ’Bilan mondial de l’action climat’’ que publie aujourd’hui l’association internationale Climate Chance.
D’où il ressort que le transport est de loin le secteur le plus aidé dans les plans de relance des pays du G20, avec un total de 139 milliards de dollars, soit 57% de la totalité des sommes mobilisées. Des sommes principalement destinées au sauvetage des compagnies aériennes, et qui ‘’soutiennent la consommation de combustibles fossiles sans contrepartie climatique’’, en contradiction donc avec les engagements pris par ces pays.
Dans ces conditions, toutes les bonnes nouvelles qui parviennent du ferroviaire semblent bonnes à prendre, étant entendu que le rail a un impact carbone sans commune mesure avec la route, l’aérien ou le maritime. L’électrification des lignes progresse au niveau mondial : c’est désormais le cas pour les ¾ du transport de voyageurs, pour la ½ du fret. Par ailleurs, le réseau s’étend : 5 000 kilomètres supplémentaires ont ainsi été construits en 2018.
Mais ce qu’on apprend à la lecture du rapport de Climate Chance, c’est que cette progression du transport de marchandises par le train est avant tout liée à l’expansion du réseau chinois dans le cadre du gigantesque projet de Nouvelles routes de la Soie, et que celle-ci permet notamment à la Chine de transporter davantage de charbon, et d’accéder plus facilement aux matières premières stratégiques. Ainsi, ‘’dans l’est de l’Afrique’’, le fret ferroviaire ‘’accompagne les grands projets d’exploitation de minerais et d’hydrocarbures’’.
En forçant le trait (dans le seul but d’illustrer la complexité de ces sujets), on pourrait formuler ce genre d’alternative : qu’est-ce qui est préférable ? des trains qui transportent des cargaisons de charbon ? ou des avions qui acheminent des panneaux solaires ? S’il y a un poste que je n’aimerais pas occuper en ce moment, c’est bien celui de ministre des Transports.
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