Notre monde est devenu quantique, bon courage !

Equation de Schrödinger
Equation de Schrödinger
Equation de Schrödinger
Equation de Schrödinger
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Une théorie éclairante.

On vit une situation paradoxale…. Jamais les instituts de sondage n’ont disposé d’outils aussi affinés, et pourtant, ils sont mis à l’épreuve par le réel comme jamais. Et au-delà, les données massives (ou Big Data) promettaient de faire de nous des êtres prévisibles grâce à des algorithmes qui allaient anticiper chacune de nos actions, et pourtant, personne n’a pu prédire l’élection de Trump ou le Brexit. C’est très troublant. Comment comprendre cet état, qui semble être celui de contemporanéité ? Eh bien le numéro de mars de Philosophie magazine, sous la plume d’Alexandre Lacroix, le directeur de sa rédaction, nous fait cadeau d’une théorie comme on les aime. Permettez-moi de vous la restituer (grossièrement, évidemment, à cause du temps scandaleusement réduit qui m’est alloué pour des raisons que je ne m’explique toujours pas).

Pour Alexandre Lacroix, on raisonne dans le mauvais cadre. Pour le dire autrement, on continue d’appliquer au monde les principes de la physique newtonienne, alors que notre monde est quantique. Dans la physique newtonienne, on raisonne dans un monde simplifié, où s’exercent de forces assez identifiées qui font fi des détails. Et ceci a permis à peu près de comprendre le monde tel qu’il était jusque là : bien sûr il y avait des soubresauts, des surprises mais, comme le dit Lacroix, “l’humanité réalisait intégralement sa propre rationnalité. Toujours plus de démocratie et de progrès - les injustices et les guerre ne seraient que les frottements du terrain.” Mais aujourd’hui, ces principes ne permettent plus de lire le monde. C’est peut-être qu’il faut passer à la physique quantique. La physique quantique repose sur le principe d’indétermination d’Heisenberg qui veut que quand on connaît la position d’une particule, sa vitesse est indéterminée, et vice versa. Or n’est-ce pas exactement ce qui se passe aujourd’hui ? demande Lacroix. Regardez comme on sait tout de nous, grâce aux données que nous laissons dans les réseaux - où nous sommes, d’où nous venons, ce que nous disons, ce que nous cherchons.. Notre position est claire comme jamais. Mais, comme, selon le principe d’indétermination d’Heisenberg, il est impossible de savoir à quelle vitesse va chacun, et bien il est impossible de savoir où nous serons dans une semaine ou dans 15 jours - jour de premier tour de la présidentielle.

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Quant au second grand principe de la physique quantique, c’est celui de Schrödinger, que je résume grossièrement par le fait qu’il y a superposition d’états contradictoires (le fameux chat dans la boite qui, dans certaines conditions, peut être à la fois vivant et mort). Eh bien, la superposition d’état contradictoires est aussi l’état de notre temps dit Lacroix : regardez la Grande-Bretagne qui en ce moment est à la fois dans et hors de l’Union européenne. Regardez François, Fillon si longtemps maintenu dans un état de suspension. Regardez les “faits alternatifs” de Donald Trump qui superposent une réalité à une autre. Notre monde est quantique, voué à l’indétermination. D’où une question que pose Lacroix : l’histoire est-elle devenue quantique ou l’a-telle toujours été sans qu’on le sache ? Ou alors est-elle alternativement quantique ou non quantique selon les époques (il y a des époque à une seule dimension, linéaire et déterminé et d’autres où elle ne l’est pas, et nous serions dans une de ces périodes). Difficile de répondre.

Et je pense qu’il faut ajouter deux questions à ce jeu intellectuel assez excitant :

  • si l’on accrédite l’idée que l’histoire serait devenu quantique, dans quelle mesure le numérique y serait pour quelque chose ? Pour ma part, je pense que le principal changement produit par le numérique est l’ajout d’une dimension supplémentaire à nos existences (on peut être à la fois dans le monde physique et dans le monde numérique, simultanément, dans un déjeuner et sur Facebook.) N’est-ce pas là le propre de notre situation quantique, être là et ne pas être là en même temps ? Je pose la question.
  • si nous sommes dans un moment quantique de l’Histoire, est-ce que cela ne signe pas notre incapacité à prédire quoi que ce soit ( et même cette toute petite parcelle du monde qu’est le vote) ? Tout simplement parce que nous n’avons pas les instruments pour le faire. Pour le dire différemment : est-ce que, en l’absence d’un ordinateur quantique dont la puissance de calcul pourrait vraiment travailler les énormes masses de données à notre disposition, nous ne sommes pas voués à ne faire dire à ces données que des choses grossières, et donc à ne saisir qu’une petite partie de notre réel, et à nous tromper continuellement ? Et en attendant l’ordinateur quantique, que faire ? Je pose la question.