

Si le courage n’est pas un cheval qu’on enfourche pour aller guerroyer, c’est une infinité de petites choses. Une série de décisions qui se ne réclament de rien et qui, mises en contexte, notamment grâce à la littérature, ouvrent la voie à une représentation plurielle.
C’est peu de dire que les arts et la culture renvoient partout des signaux de bascule. Ils interrogent les horizons d’un changement comme ils traduisent l’essoufflement d’un cycle et l’érosion d’un modèle. Dans cette séquence vous vous souvenez peut-être d’un livre de la philosophe Cynthia Fleury « La fin du courage » paru à l’orée des années 2010. Elle en appelait à la refondation d’une éthique du courage comme vertu démocratique.
Mais le courage savons-nous seulement le définir ? Pour ouvrir les 13èmes assises internationales du roman à Lyon ce soir, deux écrivains dissidents et une photographe vont échanger autour de cette notion.
- L’égyptien Alaa El Aswani poursuivi dans son pays pour avoir évoqué la répression du mouvement de la place Tahrir et les mensonges du pouvoir.
- Le chinois Liao Yiwu qui a notamment été emprisonné pour un poème, « Massacre », sur la répression du mouvement d’une autre place celle Tien’Anmen en 1989.
- Et l’iranienne Reihane Taravati menacée dans son pays depuis qu’elle s’est filmée dansant sans voile avec de jeunes iraniens habillés à l’occidental dans un version du clip « Happy » de Pharrell Williams.
Ils ont tous les trois en commun, de proposer une définition du courage beaucoup plus fine et salutaire que le mythe du courage. Cette légende souvent glorieuse et virile. Cette mythologie des héros qui se dressent contre le danger et l’adversité. Cette fable exaltée qui intimide nos élans, autant qu’elle permet de renforcer le pouvoir de ceux qui s’en réclament. Ce courage est pris dans un marbre qu’il convient de fissurer, si on veut lui redonner sa vertu.
Si le courage n’est pas un cheval qu’on enfourche pour aller guerroyer, c’est une infinité de petites choses. Une série de décisions qui se ne réclament de rien et qui, mises en contexte, notamment grâce à la littérature, ouvrent la voie à une représentation plurielle.
Reihane Taravati, l’iranienne, se filme dansant sans voile, parce qu’elle ne pas supporter d’en mettre, et pas pour envoyer « un message ». Alaa El Aswany ne porte pas de critique monolithique il décrit une infinité de situations à travers lesquelles ses personnages vont se positionner. Quant au chinois Liao Yiwu, au départ il déclame un poème, par simple urgence de dire ce qu’il s’est passé.
Par la suite, lorsque que ses concitoyens se mettront à faire circuler des reproductions de l’enregistrement du poème, il sera emprisonné. Et c’est dans cet « empire des ténèbres » qu’il va sculpter son courage. « J’ai souvent pensé que mon courage, que tout ce que je suis devenu, je le dois au temps passé en prison » écrit-il.
Pour prendre le cas de Liao Yiwu, au-delà de sa propre expérience, c’est une contre-histoire du courage qu’il écrit. Car avant de devoir quitter la Chine en 2011, il a sauvé du mensonge et de l’oubli les récits refoulés de Tiananmen. Et dans ses livres l’élan brisé de 1989, dépasse le cliché de « l’homme au char » cette photo iconique d’un étudiant dressé contre les tanks de la répression. L’élan brisé de Tiananmen, c’est celui partagé par tous ces lambdas qui ont rejoint la place en 1989, parce qu’ils ne concevaient pas d’autres attitude possible... Faire exister les histoires de ces citoyens, qui une fois sortis de prison ont été traité en parias et pas en héros, c’est empêcher l’histoire officielle de les effacer, mais aussi raviver leur étincelle.
Liao Yiwu, Alaa Al Aswany et Reihane Taravati nous montrent que ce courage-là, intime et nécessaire, est bien plus dissident que son double mystifié.
Ce soir 19H « le courage de la dissidence » aux Assises du Roman. https://www.villagillet.net
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