

Une archéologie du cliché permet non seulement de s’instruire, mais de se libérer des mécanismes de pensée figés. Tout cela a l’air très théorique mais c’est précisément l’objet de l’exposition « Paris romantique » au Petit Palais.
Les clichés sont des images qui se sont fixées et qu’on répète à l’envie sans réfléchir. Une archéologie du cliché permet non seulement de s’instruire, mais de se libérer des mécanismes de pensée figés. Tout cela a l’air très théorique mais c’est précisément l’objet de l’exposition « Paris romantique » au Petit Palais.
On peut y voir une pure immersion dans l’effervescence du Paris de 1815 à 1848 : le salon du Louvre où s’expose toute la création contemporaine, et où Géricault et Delacroix donnent le coup d’envoi du romantisme, mais aussi le clan de la nouvelle Athènes avec Franz Liszt, George Sand et un certain Frédéric Chopin tout juste arrivé de Pologne où la révolte contre l’empereur de Russie vient d’être écrasée dans le sang.
Mais surtout, le parcours suit un plan de la capitale redessiné par les révolutions culturelles et politiques de 1830 et 1848. C’est-à-dire un plan agencé par les fictions.
Au XIXème siècle, Paris n’est-elle pas devenue une cité de papier, pensée par les écrivains en « architectes » ? Victor Hugo bien sûr avec Notre Dame de Paris, mais aussi François René de Chateaubriand qui imagine au lendemain des barricades de 1830 ce qu’il ferait de Paris s’il était roi. Il coupe, élague, met par terre le pavillon de Marsan, clan des ultra royalistes, et crée des espaces verts.
C’est en rendant aux arts, aux cultures populaires et aux soulèvements révolutionnaires leur fonction dans la construction du cliché parisien que cette exposition devient bien plus salutaire qu’un alignement de chefs d’œuvres.
Prenez le Paris « bohème », il vient tout droit des nouvelles d’Henry Murger. Le Paris « festif » se fixe dans les gravures de « cancan » ou encore dans le tableau de noceurs, au petit matin, place de la Concorde, immortalisé par Eugène Lami. Le Paris « du pauvre artiste sans le sou dans son atelier » se fige lui dans les peintures d’Octave Tassaert. Et on pourrait continuer longtemps… Avec le Paris des écrivains stars comme Paul de Kock ou le Paris des musiciens engagés comme le bleu blanc rouge Félicien David. Et puis le Paris des petites femmes ! Ah les grisettes, les lorettes, et toute la mythologie des parisiennes à la jambe légère…
Au-delà du folklore et du fantasme parisien qui s’agite encore dans les esprits, comme dans une boule à neige, le cliché de Paris va installer des logiques de pensées toujours à l’œuvre. Le clivage binaire des anciens et des modernes par exemple, qui s’enracine avec la bataille d’Hernani au théâtre Français. Les jeunes romantiques qui soutiennent la pièce de Victor Hugo rivalisant d’excentricité, tout en cheveux longs, tenues exubérantes, et « gilets…rouge » préfigurant les hipsters de demain.
Quant au romantisme révolutionnaire du petit peuple insurgé de Paris, il va se canoniser dans les représentations des soulèvements de 1830 (pour défendre la liberté de la presse), puis de 1848, révolution qui conduit à la proclamation de la République.
Mais le parcours finit sur un « gavroche » assis avec une satisfaction revancharde sur le trône de Louis XVIII…. Flaubert s’en moquera dans l’Éducation Sentimentale parce qu’il sait que tout ce lyrisme révolutionnaire n’aura pas empêché le massacre des ouvriers dès juin 48. D’un cliché à l’autre, on s’empêche de penser l’essentiel : l’indicible.
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