De quelle femme Mireille Darc est-elle le nom?

1972 Le Grand blond avec une chaussure noire (version allemande)
1972 Le Grand blond avec une chaussure noire (version allemande) - Allo Cine
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Un engagement qui réconcilie féminin et féministe.

Evidemment la première image qui vient c’est cette robe noire de Mireille Darc décolletée dans le dos jusqu’au sommet des fesses. 1972, Le Grand blond avec une chaussure noire, bonsoir… Dans cette robe ou plutôt l’histoire de cette robe il y a un début de réponse à cette question : si Mireille Darc est une icône de la féminité, de quelle femme est-elle le nom ?

Une place à soi

Il faut se rappeler que c’est elle qui va chez le couturier Guy Laroche et qui dit "descends, descends , descends" à mesure que l’on pose les épingles pour délimiter la profondeur du décolleté dorsal. C’est elle qui décide d’épaissir son personnage en le dénudant. Elle veut exister dans le film comme elle l’a confié à la revue Schnock en 2016. Alors elle arrive pour "vendre" cette robe au réalisateur Yves Robert, rien de tout cela n’est prévu mais plus rien n’est possible autrement. Je crois que Mireille Darc est le nom d’une femme qui se taille son costume au sens métaphorique comme au sens propre.

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Dans la traduction récente de Virginia Woolf par Marie Darrieussecq, "Une chambre à soi", devient "Un lieu à soi", et il me semble que "la grande sauterelle" a su se découper son espace.

Au sein des tontons flingueurs Michel Audiard et George Lautner, "de sacrés misogynes" de son propre aveu, elle s’invente une place possible. Pro, rigolarde, indépendante et pas là pour les séduire non, mais plutôt pour glisser en se moquant d’eux un livre de Robbe-Grillet sur le tournage de Galia.

Galia, Mai 68 avant l'heure

Galia, voilà bien un film et une femme dont Mireille Darc est le nom. Réalisé en 1965 par George Lautner, elle y incarne l’émancipation féminine avant 1968 et à une époque où le mouvement féministe est encore confidentiel. Le succès du film comme elle le raconte dans son autobiographie la propulse du jour au lendemain "porte drapeau des femmes affranchies". Cette Galia est l’exacte reflet d’elle même dira-t-elle.

Je revendiquais le droit au choix. En général, les filles étaient choisies par les hommes à cette époque-là. C’était plus le côté femme-objet. Et d’un seul coup, j’arrivais, et je disais : "Non, moi je suis comme un homme, je choisis, je fais ce que je veux, je rentre à l’heure que je veux" France Culture 2013

La maman, la putain, le copain

Mais l’engagement de femme libre de Mireille Darc va plus loin. Elle réunit une trinité féminine inédite "la maman, la putain, le copain". Dans son travail et ses amours, elle est la coexistence de plusieurs possibles. Maternelle sans avoir pu avoir d’enfants, blonde incandescente en choisissant le patronyme de Jeanne la Pucelle, capable de demander à Godard de la prendre dans un film et de s’en retourner joyeusement avec la bande à Lautner.

La femme dont Mireille Darc est le nom est celle de "l’empouvoirement" pour employer une formule du féminisme actuel. Une femme qui s’accorde le droit d’avoir différentes versions de "soi" et qui les cherche aussi chez les autres. Même si elle repoussait ce mot de féministe dans les interviews, la Mireille Darc devenue réalisatrice de documentaires engagés n’aura de cesse de questionner les fêlures intimes des femmes.

Réalisatrice engagée

Les femmes qui ont choisi de devenir actrices de films pornographiques en 2005, les escorts girls ou assistantes sexuelles en 2011, les femmes à la rue en 2015, et dans un documentaire inédit qui sera diffusé prochainement sur France 2 les excisées à qui le plaisir est interdit.

La femme dont Mireille Darc est le nom, est peut-être bien celle d’une réconciliation "fémininiste".