A priori non. C'est pourtant ce qui se dégage du festival de création photographique "Planche(s) Contact" .
À première vue ce n'est pas ce qu’on attendrait de photos de Deauville… Station balnéaire chic à la réputation élitiste de 21ème arrondissement de Paris. La plage, les tentes colorées, les grands hôtels, le casino et les paillettes du Festival du cinéma Américain.
"Meriphérie"
Pourtant c’est dans cet espace et parce que cet imaginaire existe que des photos particulièrement sociales se sont développées. Des photos à la « mériphérie ». Pour reprendre la belle expression choisie par un photographe autodidacte d’une trentaine d’année Vasantha Yogananthan.
La « mériphérie » c’est celle des voyageurs pendulaires, ces habitants « des quartiers populaires, des « banlieues sensibles » de Paris comme on dit, qui ne dorment pas sur place mais qui font l’aller-retour dans la journée. Ici ils franchissent une autre forme de périphérique, ils sont avec leurs enfants, leurs sacs, le bleu comme horizon comme réflexion. Peu importe le regard des autres, de ce côté-ci du miroir, la marée a comme emporté le périphérique justement. Alors en les rencontrant, en discutant ils se livrent tout autre et peut-être plus près d’eux même que lorsqu’on viendrait en bas des tours les photographier.
Rien n'est cliché, rien n'est sur le vif, rien n'est « selfie ». C’est une toute autre image que Vasantha Yogananthan vient leur proposer. Appareil en pied, chambre photographique, et long temps de pose, c’est dans ce dispositif que la disponibilité se fait. Les regards décrochent de l’objectif pour se livrer. C’est une pensée intérieure qui se dégage alors. Comme si les sujets étaient eux même en train de faire une mise au point.
La plage, et celle de Deauville avec ce qu’elle charrie de symboles, est une utopie populaire. Comme l’a très bien montré le critique et directeur artistique du festival de BD d’Angoulême Stéphane Beaujean à propos d’une autre photographe présente au Festival Planche(s) Contact, Céline Villegas. Dans sa série « il nous faut revenir » c’est le petit monde de la plage dans toute sa mixité sociale qui se côtoie. Ce petit monde dans ses plis, ses serviettes, ses baisers, ses chaises pliantes et ses cheveux dans le vent, c’est une foule qui se fait son film.
Enfin Deauville comme un lieu de la photographie sociale, c’est Françoise Huguier qui nous le livre de l’intérieur dans sa série « C’est pas logique mais c’est normal ». Comme un prolongement de son travail sur les logements communautaires de Saint-Pétersbourg puis récemment sur les habitants de la grande banlieue parisienne et leur quotidien, elle est allée chez ceux qui vivent dans les logements sociaux de la ville. Contrairement à ce qu’on pourrait penser ici à Deauville il y en a plus qu’ailleurs : 30%. Nettement au dessus de la moyenne réglementaire de 20%. Elle y est allée en période présidentielle et législatives rencontrer ceux dont on ne parle pas dit-elle. Discuter et vider au propre comme au figuré les placards de mères célibataires. Construire avec elles des mises en scène comme des mises en récit. Une approche résiliente.
C’est donc un territoire de la photographie sociale qui m’était donné à voir dans ce festival, et ça n’est pas un hasard si c’est une photographe roumaine Felicia Simion qui a remporté le prix des jeunes talents. Elle qui représentait son "corps étranger", enveloppé d’une étrange combinaison, dans les décors de Deauville. Cela n’est pas un hasard si le prix amateur de la 25ème heure a été remis à la photo d’un groupe d’hommes et de femmes la nuit sur la plage avec des valises d’un autre temps. C’est que la plage et particulièrement celle que représente Deauville, nous interroge nous les regardeurs, dans notre capacité à accueillir l’autre, l’étranger, dans cette « meriphérie ».
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