

Non seulement la lutte contre le réchauffement climatique se fait entendre mais elle s’écoute.
Avez déjà entendu le bruit des icebergs qui explosent en plein hiver ? Sans attendre le printemps… Connaissez-vous la respiration de plus en plus instable de la banquise? Si la génération climat, qui n’est pas liée uniquement à l’âge, mais à la conviction, veut faire entendre, enfin, le cri de la terre, des artistes tentent de nous aider à l’écouter.
« -22,7 degré » c’est le nom d’un album de musique électronique bioacoustique, disons-le comme ça, mais aussi d’un documentaire en réalité virtuelle qui est présenté en avant première au festival de musique, de cinéma, et de médias alternatifs SXSW à Austin au Texas.
« -22,7 degré » doit son nom à l’effarant thermomètre qui s’affiche désormais en plein hiver aux confins du cercle polaire. Seulement -22,7 degré, c’est en effet la température la plus basse expérimentée par le musicien électronique Molécule pendant un mois d’hiver et demi au Groenland. Non loin de Tiniteqilaaq sur la côte est, il s’est lancé dans l’exploration sonore de l’éco système ambiant, captant micros à la moufle murmures de fjords, de banquises, et de silences.
Non seulement les effets du réchauffement climatique se voient, mais il s’entendent.
C’est Bernie Krause le premier, qui a répondu à sa manière à cette question assez philosophique : faire entendre la voix de cette destruction par l’homme de son propre environnement. Originaire de Détroit, comme la techno, Bernie Krause, est d’abord un musicien qui a travaillé pour les Doors et co-écrit les bandes sons de « Rosemary’s baby » et « Apocalypse Now ». Il est ensuite devenu le père fondateur de l’écologie des paysages sonores.
Recueillant les sons des forêts, des océans, des déserts, et de ce qu’il appelle « le grand orchestre animal », Bernie Kraus a collecté en 50 ans d’enregistrements et 5000 heures de sons. Une symphonie de la terre et du vivant qui fait de lui le détenteur des plus grandes archives acoustiques du monde, mais aussi de la boîte noire des effets du réchauffement climatique et de l’atonisation de l’environnement. Insupportable silence d’une bioversité effondrée. C’est bien simple, en un demi-siècle, la moitié des paysages sonores ont disparu. Un changement qu’il a pu distinguer à l’oreille.
Quand on songe à l’un des premiers appel pour mobiliser les hommes et les femmes contre les ravages écologiques, le « Earth Day », a été lancé le 22 avril 1970 : 50 ans plus tard, comment enfin briser cette surdité assassine? Par les mots et l’action y compris la désobéissance et le juridique répondent citoyens, associations, scientifiques, mais aussi par les sons!
La composition radicale et in situ de Molécule dans « -22,7 degré » fait de cette musique hybride un chant intime qui convainc l’homme de l’intérieur. Augmenté des images en réalité virtuelle (modélisations de mondes imaginaires, d’angoisses, de souvenirs, réalisés par Jan Kounen), le documentaire musicale se mue en expérience de transe sans drogue qui reconnecte l’homme au reste du vivant et à son écoute.
Soit l’inverse de cette scène finale de « Soleil vert » où les humains une dernière fois avant de mourir se plongeaient par les images et les sons dans la nature définitivement disparue. Cette fois il s’agit de se donner une dernière chance de l’écouter.
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