Faut-il réformer la défiscalisation des grands mécènes?

La fondation Louis Vuitton, de l'architecte Frank Gehry
La fondation Louis Vuitton, de l'architecte Frank Gehry ©Getty - JARRY/TRIPELON
La fondation Louis Vuitton, de l'architecte Frank Gehry ©Getty - JARRY/TRIPELON
La fondation Louis Vuitton, de l'architecte Frank Gehry ©Getty - JARRY/TRIPELON
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Fin de partie ? L’assemblée nationale a commandé un rapport à la Cour des comptes sur la niche fiscale du Mécénat et les avantages qu’en tireraient les grands groupes.

Tandis que la 45ème édition de la Fiac, la foire internationale d’Art Contemporain, a fermé sur ses portes sur un bilan euphorique - fréquentation en hausse (72 500 visiteurs), retour des collectionneurs américains, transactions effervescentes comme à la grande époque - une question fait débat. Faut-il limiter la défiscalisation des grands mécènes ?

La Loi sur le Mécénat de Jean-Jacques Aillagon (ex ministre de la Culture et de la Communication) a 15 ans cette année, et il flotte dans l’air un parfum de réforme. L’Assemblée Nationale a commandé un rapport à la Cour des comptes sur la niche fiscale du Mécénat et les avantages qu’en tireraient les grands groupes.

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Pour rappel, la réduction d’impôt est de 60 % du montant des versements de dons des entreprises mécènes dans la limite de 0,5 % de leur chiffre d’affaires hors taxes. C’était l’instant calculette.

Mais la loi n’est pas réservée qu’aux entreprises, elle vaut pour les particuliers, et ne se limite pas au Mécénat culturel : elle concerne des causes d’intérêt général aussi variés que la recherche, l’éducation ou le sport. D'ailleurs les investissements disons « sociaux » des entreprises dépassent leur part d’investissement dans l’art et la culture.

Cela dit le parfum, encore léger, de réforme qui circule dans l’air, joue sur une note persistante : la niche fiscale du mécénat explose. Son coût pour l’Etat a triplé depuis 2010, pour s’élever à 990 millions d’euros en 2017, dont 369 millions pour les dix plus gros bénéficiaires. C’est ce que révèlerait le fameux rapport commandé par l’Assemblée nationale mais qui n’a pas été livré à temps lorsque la question a été examinée ce samedi.

Les grandes entreprises bénéficient-elles du dispositif de manière excessive comme l’affirme le député La République en marche des Hautes-Alpes Joël Giraud ? Il est porteur d’un texte qui préconise le plafonnement de la défiscalisation pour les grands groupes à 10 millions d’euros.

Dans le viseur : des fondations comme celle de Louis Vuitton à Boulogne, la Fondation Lafayette Anticipation à Paris, ou d’autres comme la future fondation Emerige à Paris, ou les actions de mécénat de Chanel au Grand Palais à Paris toujours. On peut citer aussi les protestations contre le « Bouquet de tulipes » de Jeff Koons à Paris encore, financé en partie par des mécènes privés, et donc aussi par les contribuables via la défiscalisation.

Un chiffre emblématique ? Les 800 millions d’euros qu’aurait coûté le bâtiment de l’architecte Franck Gehry pour Vuitton donnant droit à 480 millions de déductions fiscales. 

Mais le débat est bien plus complexe qu’il n’y paraît. D’abord parce que le bâtiment de Franck Gehry enrichit le patrimoine, comme celui de Rem Koolas pour Lafayette ou celui de Jean Nouvel pour Cartier. Ensuite parce que la future Collection Pinault dans la Bourse du commerce (à Paris décidément) ne sera pas une fondation précisément, si l’on en croit François Pinault, pour éviter d’abuser du dispositif... Ensuite parce que les entreprises qui dépasseraient le plafond de 10 millions d’euros ne représentent que 14% des cas.

Mais que dire de la sur concentration de ces lieux dans Paris ? Que dire des tarifs assez excessif pour le contribuable moyen ? Comment ne pas voir que la politique d’acquisition des grands groupes renforce cette situation déjà particulière et assez inique qui consiste à faire payer un citoyen qui n’est jamais commanditaire et pas toujours bénéficiaire ? Le débat est peut-être encore mal posé mais il a le mérite d’être ouvert...