Féminisation à l’Académie française, un mea culpa plus qu’une révolution

Dominique Bona, membre de l'Académie Française
Dominique Bona, membre de l'Académie Française ©AFP - KENZO TRIBOUILLARD
Dominique Bona, membre de l'Académie Française ©AFP - KENZO TRIBOUILLARD
Dominique Bona, membre de l'Académie Française ©AFP - KENZO TRIBOUILLARD
Publicité

Après avoir freiné pendant quatre siècles, l’Académie française consent finalement à la féminisation des noms de métiers, grades, titres et fonctions.

Puisque les mots ont un sens et particulièrement sous la coupole de l’Académie Française : il faut bien dire qu’en approuvant à une large majorité (seules deux voix contre) l’ouverture à la féminisation, les Immortels n’ont pas fait la révolution. Ils ont à peine corrigé une vieille méprise…

Il fallait s’y résoudre, en finir avec une position anti historique. Suite au rapport d'une vingtaine de pages rédigé par la romancière et essayiste Danièle Sallenave, le poète d'origine britannique Michael Edwards et l'écrivaine - un mot jusqu’ici refusé dans le dictionnaire de l'Académie -, Dominique Bona, c’est donc tranché je cite « il n’existe aucun obstacle de principe à la féminisation des noms ».

Publicité

Nous sommes ici dans un mouvement de l’ordre de l’acceptation prudente, de l’autorisation consentie et pas de la réforme.

Préfète, professeure, informaticienne, procureure, magistrate, avocate générale, première ministre, présidente ou rabbine : ces dénominations courantes dans l’usage seront-elle enfin acceptées ? 

Le but du rapport était en outre de répondre à des femmes qui se demandaient comment devait être défini leur poste, mais aussi de faire le tri entre les différentes féminisations pour être au plus près de formations « correctes et durables de la langue ». Même si l’Académie ne compte qu’un seul philologue (Michel Zink), et aucun ou aucune linguiste ni lexicographe ni grammairien ou grammairienne.

Il ressort de cette nano révolution que les mots terminés par un « e » muet comme « architecte » se féminisent aisément ainsi que les noms masculins terminés par une consonne exemple « docteure » ou « professeure », sauf quand un verbe correspond au mot d’où « chercheuse »

Pourtant écrivaine formation naturelle sur une terminaison en consonne a longtemps été rejeté, « autrice » aussi alors qu’il était utilisé jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Et « médecine » continue de faire exception alors que le mot était largement présent chez Rabelais. Depuis sa création en 1634, l’Académie n’a en réalité jamais cessé de freiner la féminisation naturelle de la langue, et particulièrement, comme elle le reconnaît aujourd’hui, « pour les noms de métiers en haut de l’échelle sociale ». Ce que soulignait déjà l’écrivaine Benoîte Groulte en 1996.

Ce n’est donc pas la structure de la langue qui refuse la féminisation mais les mentalités. Celles-ci continuent de se crisper sur la féminisation des grades et des fonctions. Ainsi les Immortels estiment que « contrairement au métier, une fonction est distincte de son titulaire et indifférente à son sexe (...) On n’est pas sa fonction, on l’occupe. » 

La porte reste ouverte pour justifier les « madame le directeur du centre de recherche » alors qu’on dit aisément madame la directrice de l’école idem pour maîtresse d’école et maître de conférence. 

« Madame le secrétaire perpétuel » comme Hélène Carrère d'Encausse a souhaité être désignée par l’Académie, sera-t-elle prête à devenir « Madame la secrétaire perpétuelle » ? L’Académie acceptera-t-elle que le masculin n’est pas neutre ? Reviendra-t-elle sur la règle édictée en 1647 qui veut - je cite- que « le masculin, étant le plus noble, il prédomine toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble » ? Ce serait alors la révolution, et pas simplement une évolution en forme de mea culpa.