"Game of Thrones" la fin d’une ère audiovisuelle collective?

Daenerys Targaryen dans l'épisode 6 de la saison 8 de "Game of Thrones".
Daenerys Targaryen dans l'épisode 6 de la saison 8 de "Game of Thrones".    - HBO
Daenerys Targaryen dans l'épisode 6 de la saison 8 de "Game of Thrones". - HBO
Daenerys Targaryen dans l'épisode 6 de la saison 8 de "Game of Thrones". - HBO
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L’épilogue des aventures du trône fer marque l’apogée et la fin d’une façon de regarder les séries « ensemble ».

Entre « la grande confrontation », le débat des têtes de liste aux européennes sur LCI, et le « grand final » de la série Game of Thrones diffusé sur OCS, le suspens politique était à son comble hier. 

Si l’on entend par « épilogue » le dénouement d’une action longue et embrouillée, je précise, sans rien divulgâcher, que l’ultime épisode de Game of Thrones n’honore pas vraiment cette définition. On sait à qui reviendra finalement le trône mais de nombreuses questions restent en suspens.

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Du reste, pour qui envisageait une expérience audiovisuelle collective il fallait donc choisir hier entre la très ritualisée soirée du lundi devant le « trône de fer » et la moins répandue « soirée-débat aux Européennes ». Côté foot, rien que de dispensable...

Mais si l’enjeu autour de la 8ème et dernière saison de la série la plus populaire de la planète rassemble sans surprises davantage de spectateurs qu’une élection annoncée au-delà des 57% d’abstention, il ne faut pas oublier que demain l’équation ne se posera plus en ces termes.

Depuis la première diffusion de la série en 2011 par la chaîne américaine HBO, le paysage audiovisuel a muté. Les plateformes de streaming comme Netflix ou Amazone Prime sont arrivées et avec elles une modification radicale de la façon dont nous regardons les séries. Aucune raison d’être tenu en haleine d’un épisode et d’une semaine à l’autre, puisque tout est disponible d’une traite. Reste une certaine attente entre les différentes saisons, mais les gens se réunissent moins pour une soirée « binge watching » intégrale. 

Car la particularité de Game of Thrones est d’être à la fois la première et la dernière série à avoir à ce point été suivie collectivement. 

Record d’audience, record de piratage, record de tweets pendant la diffusion, la série virtuellement et physiquement aura été une expérience historiquement fédératrice. On annonçait dimanche qu’11 millions d’américains n’iraient pas travailler lundi, au lendemain de la diffusion sur HBO. 

Bien sûr, le principe des intrigues particulièrement entremêlées, des arc narratifs développés presque sur chaque personnage, et l’instabilité permanente qui y régnait prédisposait Game of Thrones à un investissement particulier. Et, de fait, jamais série n'avait produit autant de théories chez ses fans. 

Mais au-delà de la série en elle-même, ses conditions de diffusion, et cette temporalité commune - qu’on n’ait été ensemble ou pas pour visionner le nouvel épisode - ont participé pleinement à ce vécu collectif et à son commentaire social. 

Alors que des psys sont convoqués pour analyser ce deuil collectif, pointant l’identification de la série, tant à une époque qu’à des souvenirs personnels, et tandis qu’on s’inquiète de la disparition d’un des principaux personnages sans que d’autres épisodes permettent de « se formuler » l’évènement, tout est déjà en place pour combler l’absence ! Un documentaire le 26 mai prochain, et un « prequel » aux origines de la série viendront prospérer sur ce deuil.

Mais le changement des modes de diffusion et le développement des algorithmes qui orientent les utilisateurs vers une sélection plus individualisée, fait peut-être de Game of Thrones la dernière série que nous aurons regardé ensemble… L’occasion, qui sait, de transposer cette envie d’implication collective en dehors des écrans