Johnny ne meurt jamais

Johnny Hallyday
Johnny Hallyday ©Getty - Bernard Bisson
Johnny Hallyday ©Getty - Bernard Bisson
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Quelle est la place particulière de Johnny dans le business de la résurrection musicale?

C’est un fait : l’automne musical, et même l’année phonographique à venir, seront peuplés de revenants. 

Après Maurane et son hommage à Brel mi-octobre, vendredi dernier à minuit c’était la sortie à la fois anticipée et posthume du dernier album de Johnny. En novembre place à Bashung pour des chansons inexploitées de « Bleu Pétrole » son ultime opus. 

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En 2019 viendra l’album que feu Rachid Taha prévoyait de sortir, tandis que des titres terminés ou « quasi achevés » d’Aznavour pourraient eux aussi être publiés. Sans parler des innombrables chansons de Prince prêtes à sortir des tiroirs…

Chacune de ces résurrections convoque des enjeux différents, ne se base pas sur les mêmes matériaux, ne situe pas dans le même contexte juridique, ne répond pas aux même ambitions artistiques, ne s’adresse pas au même public, et ne se place pas dans la même situation par rapport aux volontés du ou de la disparu(e). 

Aussi ce que l’on désigne parfois comme « le business des morts » ne saurait constituer un tout tant il est à géométrie variable. Et la controverse qu’il suscite ne peut se limiter elle non plus à l’affrontement entre les tenseurs d’une exploitation abusive et les défenseurs de la transmission d’un lègue artistique.

Difficile de nier, cependant, la tendance actuelle aux publications posthumes, et même aux concerts d’hologrammes. Mais puisqu’il serait plus sage de juger au cas par cas prenons précisément celui de Johnny.

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La sortie événement de « Mon pays c’est l’amour » se distingue à plusieurs égards. Dans sa définition même, car la maison de disque Warner ne le présente pas comme un album testament (Johnny ne comptait pas s’arrêter), ni comme un album posthume, mais davantage comme le « nouvel album » de Johnny. Celui pour lequel tout avait été enregistré et maîtrisé de son vivant.

Un peu comme si Johnny était bel et bien de retour parmi nous.

Et dans sa résurrection il fait revivre un support donné pour mort au XXIème siècle : le CD. Avec 800 000 exemplaires mis en place, et 630 000 ventes physiques en 4 jours, du jamais-vu en France dans l’histoire du disque. Dans le même temps, jamais les plateformes de streaming n’avaient autant mobilisé de dispositifs marketing pour accompagner une sortie. De fait cet album devient un point de jonction phonographique inédit entre le physique et le digital. 

C’est précisément cette capacité de jonction qu’incarne Johnny, comme le montre le professeur de Science Politique Christian Le Bart qui publie « Johnny H. Construction d’une icône » aux éditions du Celsa. Les acteurs médiatiques (chaîne d’info en tête tenant des éditions spéciales de plusieurs heures), mais aussi sociaux, économiques et politiques, ont fait de Johny un totem du peuple français. Cet objet « qui ne devra jamais heurter, mais parler à tous sans froisser quiconque ». 

Dès lors qu’importe le disque, qu’importent les polémiques, qu’importe le public qui est touché ou non, l’album posthume de Johnny se distingue des autres œuvres exhumées en ce qu’il est imposé comme un lieu de mémoire.