L’installation éphémère de l’artiste photo-colleur pour les 30 ans de la Pyramide du Louvre a déclenché une nouvelle polémique inutile. Ce bruissement indigné est en soi une coupe franche dans le cerveau de l’époque, quand le village global devient une caricature de mentalités à volets fermés.
Pourquoi voir des controverses là où il n’y en a pas ? L’usine à polémiques tourne suffisamment à plein pour qu’on ne s’invente des points de tension supplémentaires. Pourtant, il flottait presque un parfum de scandale lorsque les premières images de l’installation déchirée de l’artiste photo-colleur JR à la Pyramide du Louvre sont apparues.
Suivant, comme toujours, son principe d’anamorphose, à savoir la transformation réversible d’une image réelle par effet d’optique, JR a fait apparaître par collages un gouffre d’où émergeait la Pyramide du Louvre. Une installation ouverte au public le jour J des 30 ans de l’inauguration de la pyramide ce vendredi 29 mars.
Les 17 000 m2 de papiers collés par 400 volontaires de la JR « family » sont rapidement partis en lambeaux. Sur les deux écrans géants la performance était fixée tandis qu’au sol elle disparaissait sous les pieds des visiteurs.
Des petits bouts déchiquetés se mettant à voler jusqu’à la Seine, parsemant le jardin Tuileries, le pont du Carrousel et même les abords du musée d’Orsay si j’en crois la grande légende de Twitter.
Il fallait alors trouver des coupables. Bien que fondamentalement conçue pour être éphémère, cette sensation de dégradation de l’installation était insupportable. L’« indignité » s’emparant des réseaux ! Le projet souffrait de défaillances techniques « on avait mal anticipé », les visiteurs n’étaient qu’une bande de vandales qui se découpaient une part du cadeau en souvenir, plutôt que d’en laisser profiter les autres… Sous-entendu des beaufs qui ne comprennent rien à l’art. Enfin c’était un désastre écologique.
À croire que cette petite musique du scandale ne quitte pas la Pyramide de Pei. Depuis sa naissance où elle a été à la fois une verrue, un symbole d’une croissante et forcément inquiétante influence chinoise, ou encore un complot Illuminati.
Dispersant un peu la brume désinformationnelle, JR a réagi hier au sujet de cette installation particulièrement éphémère : « Le soleil a desséché la colle légère et, avec chaque pas, les gens ont déchiré des morceaux du papier fragile. Ce processus n’est qu’une participation de volontaires, de visiteurs et de chasseurs de souvenirs », a-t-il tweeté.
Et somme ce qui s’est produit fait partie de l’œuvre. Étrange qu’il faille le rappeler. Ce bruissement indigné est en soi une coupe franche dans le cerveau de l’époque. Mépris lattant entre ceux qui comprennent ou pas la culture d’un côté, agacement d’un public consommateur à qui tout est dû de l’autre, le tout saupoudré de râleries qui vont du coût supposé de l’installation à son impact écologique. Le vrai débat, l’argumentation légitime se perd dans une absence de hiérarchie, un affolement tous azimuts.
Au loin cette figure de l’artiste qui agace, JR en combinaison de travail, lunettes et chapeaux fixés sur la tête, filmé traversant la cour jusqu’à la Pyramide comme Emmanuel Macron le soir de son élection… Pour qui se prend-il n’est-ce pas ?
Dans le grand partage de savoirs et d’informations propulsé par le numérique, le village global est aussi à prendre littéralement au pied de la lettre, pour cette caricature de mentalités à volets fermés. Au point que JR en instituteur de l’art a dû rappeler ces fondamentaux : 1/ une fois collée, l’œuvre d’art a une vie à part 2/ la vie comme les souvenirs sont éphémères. Et au fond charge à nous de se battre avec cette donne.
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