C’est la « thug life » à Rome au début du 17ème siècle.
Nom : Merisi. Prénom : Michelangelo. Aussi connu sous le nom de « Caravage ». Un regard de défi sous d’épais sourcils noirs, une moue qui cherche la castagne, des cheveux en bataille et un bouc insolant, le portrait du peintre au cœur de ses années romaines, aux alentours de 1600, pourrait-être celui d’un Al Pacino dans Scarface ou d’un repris de justice à l’américaine.
C’est sur une période condensée, 1595-1606, et un espace circonscrit, Rome, que se situe l’exposition événement « Caravage à Rome, amis et ennemis » qui vient d’ouvrir au musée Jacquemart-André à Paris. Un parti pris nerveux plus qu’une monographie chronologique, pour faire rejaillir ce personnage tempétueux qui va donner un véritable coup de fouet à l’art endormi par le maniérisme de l’époque.
Le Caravage de Rome est un garçon nocturne, de mauvaises fréquentations, et de rixes, dont celle du 28 avril 1606 où il blesse mortellement à la jambe Ronaccio Tomassoni. Une histoire de jeu paraît-il. Une embrouille de bandes plus ou moins rivales. Du reste, le coup mortel, le condamne à la fuite.
Grâce à un immense travail sur les archives (renouvelé notamment au moment des 500 ans de sa mort en 2010), le marbre révérencieux dans lequel on a pu figer le maître, s’est réchauffé. C’est la découverte d'un contexte ardant qui le permet, celui de la vie d’artiste à Rome aux prémices du 17ème siècle.
Comme le souligne Francesca Cappelletti, l’une des deux commissaires de l’exposition, il y a, alors, à la fois beaucoup de violence et d’émulation entre les artistes. La peinture a le sang chaud.
Entre compétions de styles et rivalités pour s’attirer les bons mécènes : c’est à qui sortira la meilleure toile sur un même sujet. On s’affronte sur des Ecce Homo (scène canonique du christ qui vient d’être condamné par Ponce Pilate), des représentation de Sainte Cécile, martyre musicienne très en vogue à l’époque, ou encore des « Amour sacré terrassant l’amour profane » inspiré de Virgile.
Bref un véritable « rap game » ou « rap jeu » pour le dire en français. Avec ses clashs comme cette sortie du Caravage à propos d’une toile de son ennemi Giovanni Baglione « cette peinture me déplaît car elle est empruntée, et je la tiens pour la pire qu’il ait faite ».
Mais dans ce contexte, Le Caravage, est un mauvais garçon qui vit aussi une sorte de bohème avant l’heure : il fréquente les élites intellectuels, les poètes, les musiciens chez les mécènes, et se nourrit de leur matière. Son « joueur de luth » et sa chemise un peu débraillée, devant une partition précise de Jacques Arcadelt, invente un genre nouveau. Celui du « portrait de musicien » imité ensuite par ses contemporains.
Et c’est toute la force de cette exposition, confronter dix de ses chefs d’œuvre avec les productions qui les entourent à l’époque. On y montre ainsi à quel point ce qu’invente Le Caravage ridiculise et contamine ses rivaux comme ses jeunes fans. Ses couleurs sont brillantes, son clair- obscure inédit, sa Judith tranchant la gorge d’Holopherne sexy, son « Jeune Saint Jean Baptiste au bélier » presque érotique.
Enfin en travaillant sur des modèles vivants et des scènes comme prise sur le vif, son approche radicale et réaliste se débarrasse des fausses postures. Elle interroge la psyché et la théâtralité des personnages dans l’action. C’est la naissance du baroque et même l’intuition de la photographie ! Le Caravage des années romaines, le prouve en quelques toiles, il a des siècles d’avance.
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