

Du « Portrait de negresse » au « Portrait de Madeleine » en passant par Jay Z et Beyoncé, cette icône et peinture inaugurale de l’exposition « Le modèle noire » est une nouvelle porte d’entrée dans l’histoire de l’art et des représentations.
Elle apparaît à la fin du clip de Beyonce et Jay Z au Louvre, elle clôture le parcours qui leur est désormais consacré dans les galeries du musée, et c’est aussi elle qui ouvre cette grande exposition sur « Le modèle noir » à Orsay. « Elle » c’est « Madeleine » qui a pour la première fois a un prénom !
Ce portrait réalisé par la peintre Marie-Guillemine Benoît a d’abord été présenté au Salon de 1800 sous le titre « Portrait d’une négresse », puis bien plus tard comme « Portrait d’une femme noire » dans la collection du Louvre.
Port altier, cheveux noués dans un linge blanc, boucles d’oreilles en or, le regard directement tourné vers le spectateur, assise dans un fauteuil cossu couvert d’un riche tissu : son traitement en majesté rappelle les portraits de femmes de la haute société peints par David. Seul détail dont on disait qu'il rappelait sa condition domestique : un sein échappé du grand drapé qui lui sert d’habit. En 1800 les critiques s’épouvantent de « cette main blanche et jolie qui nous a fait cette noirceur !»
Il y avait alors une tension entre cette noblesse de la représentation et son modèle, une tension jusque dans l’intitulé « portrait » associé à la mention générique et racisée « négresse ».
L’exposition « Le modèle noir » rend donc à Madeleine son prénom, sans oublier de mentionner la trace de ses précédents titres. Ce qui est en soi une première façon de répondre à la question de la nouvelle dénomination des œuvres marquées par le langage colonial ou esclavagiste.
Dans les hauteurs du musée du d’Orsay, l’installation de l’artiste américain Glenn Lidon a d’ailleurs mis en valeur ce travail d’authentification. Le nom de Madeleine, mais aussi celui d’autres modèles noirs, comme Laure la servante de « L’Olympia » de Manet, restée longtemps invisible dans la littérature critique, s’illuminent désormais en toutes lettres.
Mais si l’individuation de ces modèles permet de sortir d’une vision générique et racisée, ce « Portrait de Madeleine » nous en dit bien plus encore... Peinture inaugurale de l’exposition, elle est en soit une nouvelle porte d’entrée dans l’histoire de l’art et des représentations.
Pour la première fois, grâce aux récentes découvertes d’Anne Lafont et Marianne Levy, Madeleine a une notice biographique. On sait en outre, qu’elle était native de la Guadeloupe, esclave affranchie, et employée comme domestique auprès du beau frère de celle qui signe son portrait Marie-Guillemine Benoît. Or, dans l’atelier de la peintre, qui l’a fait poser plusieurs jours, il s’est forcément passé un échange entre ces deux femmes. C’est ce que met en lumière Anne Lafont dans son ouvrage « Une Africaine au Louvre ». Madeleine a participé à la création de cette image subjective, elle n’est pas que l’objet captif d’un regard. A la caricaturer en sujet passif qu’on aurait dénudé, on ne lui rend pas justice, on la dessert. Schématiser les systèmes de domination pour en faire des ancêtres en ligne direct du racisme actuel revient à les répéter. L’histoire est plus complexe et plurielle.
Il faut également se souvenir que Madeleine apparaît en 1800 c’est à dire pendant la première période d’abolition de l’esclavage (avant son rétablissement en 1802). C’est donc une image qui naît dans un nouvel espace politique. Son sein n’est pas un rappel de sa condition, mais une manière pour la peintre et son modèle de montrer comment elle en est émancipée. Aussi, ce « Portrait de Madeleine » s’inscrit désormais dans un nouveau récit qui intègre le point de vue des modèles noirs et leur apport à la modernité . On avance enfin!
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