

« Je m'adapte au produit, pas l'inverse » : formule qui, de la cuisine bistronomique à la gastronomie plus traditionnelle, résume l’attitude des chefs aujourd’hui.
C’est la saison des étoiles en ce moment avec la sortie du millésime 2018 du petit guide rouge, le Michelin. Parmi les nouveaux étoilés je lisais cette déclaration d’un jeune chef chartrain, Nicolas Mendès « Je m'adapte au produit, pas l'inverse ». Formule qui, de la cuisine bistronomique à la gastronomie plus traditionnelle, résume l’attitude des chefs aujourd’hui en pleine crise alimentaire. Au-delà de l’esthétique et de la créativité, c’est l’attention au produit qui s’impose.
Des chefs qui dénoncent les dérives chimiques de l’alimentation et de l’agriculture sous « entrants » : pesticides ou engrais dérivées des industries pétrolifères. Si jadis quelques-uns ont eux-mêmes labellisés des barquettes de produits industrialisées bourrés d’additifs, il faut voir que la nouvelle génération s’inscrit dans les pas de chefs qui, il y a 30 ans, comme Alain Passard et Michel Bras, défendaient déjà un rapport respectueux aux sols, aux produits naturels, aux saisons.
Un peu plus loin des étoiles, du côté des talents d’avant-garde qui seront réunis au festival OMNIVORE du 4 au 6 mars prochain à Paris, c’est la cuisine de maraîchage qui prime (c’est-à-dire à base de fruits et légumes frais et variés), une évolution de la carte en fonction de l’arrivage, et la constitution d’un tissu de producteurs, éleveurs, pêcheurs de petite taille qui travaillent méticuleusement la qualité des produits plus que le rendement, dans le respect de l’environnement et de la santé du consommateur. Mathieu Rostand à Lyon, Alexandre Mazzia à Marseille, font de la sélection de leurs sources leur atout, et inventent à partir de ce qui existe sans imposer un rythme de commandes aveugles et uniformisées.
Vous me direz, en quoi cette révolution alimentaire-là peut concerner le grand public à l’heure des émeutes pour les promos Nutella remplis de sucre et d’huile de palme ? À l’heure où ce qui compte, c’est de ne pas dépasser les 3 euros par personne et par jour quand on fait ses courses ? À l’heure où le travail précaire et l’épuisement vous poussent au tout préparé, et où, à dire vrai, quand on ne peut s’offrir ni vacances ni sorties la vie est moins dure avec un paquet de chips… Les études l’ont montré, les populations les plus pauvres sont les plus touchée par l’obésité et la malbouffe.
En réalité ces chefs travaillent à la démystification et au déformatage des goûts alimentaires, ainsi qu’à la fin d’un rapport qualité-prix complètement défavorable aux consommateurs. Dans une France envahie de terminaux de cuisson où l’on réchauffe du tout pré-préparé à des prix honteux et où le bio représente seulement 1 % des produits servis en restaurant. C’est ce que montrait déjà en 2012 Xavier Denamur et Jacques Goldstein dans un documentaire intitulé « La république de la malbouffe ». Souvenir de l’interview de Jacques Borel, un des principaux importateurs de la restauration rapide en France et lobbyiste invétéré de la baisse de la TVA dans les restaurants.
Ah si les femmes ne s’étaient pas mises à travailler, on n’aurait pas eu tous ces problèmes ! Quant à la santé du consommateur, les produits saturés de gras et de sucre des fast food ont montré leurs méfaits.
Le monde moderne se construit peut-être davantage dans ces nouvelles assiettes qui ne sont pas des démonstrations de gastronomie mais de véritables publicités (contre-publicités ?) pour de nouveaux circuits et de nouvelles pratiques alimentaires.
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