Séries : et si la France faisait de son exception culturelle un atout?

"Paris etc." nouvelle série française signée Zabou Breitman et création originale de Canal+
"Paris etc." nouvelle série française signée Zabou Breitman et création originale de Canal+ - Allo Ciné
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"Paris etc." nouvelle série signée Zabou Breitman propose un modèle à la française plutôt qu'une copie à l'américaine.

Et si la meilleure façon de faire une bonne série française c’était justement de le faire à la française ? Vous vous souvenez de la phrase de Cocteau « ce que le public te reproche, cultive-le, c’est toi ».

Jusqu’ici le PSF, paysage sériel français, faisait figure d’exception, au sens péjoratif. Le constat était le suivant : une logique d’artisanat fabriquant certes quelques prototypes de qualité « Les revenants » « Baron noir » ou « P’tit Quinquin », lançant quelques modèles au souffle plus long « Le Bureau des légendes » ou « 10% » mais n’ayant pas accomplie la mue d’une vraie production française compétitive. En comparaison avec les séries américaines, britanniques, scandinaves ou israéliennes. C’est tout l’objet de l’ouvrage de Pierre Ziemniack, dont je vous ai parlé ici « Exception française : De Vidocq au Bureau des légendes : 60 ans de séries ». Cet ancien du « Bureau des légendes » se demandait pourquoi un succès comme « Un village français » qui s’est même exporté jusqu’en Corée du Sud faisait figure d’exception. Pourquoi nous ne parvenions pas à produire de bonnes séries en série justement.  

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La Grande table (1ère partie)
28 min

Il s’était arrêté sur plusieurs facteurs : d’abord le poids symbolique du 7ème art, une tendance dans les années 90 à vouloir faire, dans le petit, du sous grand écran avec une condescendance pour cette forme, mais aussi un modèle économique qui sépare trop producteur et diffuseur développant un système créatif de « commande », enfin un manque de reconnaissance pour le statut de scénariste, et la spécificité de cette écriture.

C’est dans ce contexte que débarque sur Canal+  la nouvelle série française « Paris etc. » signée Zabou Breitman. 

Ici pas de recette américaine qu’on chercherait à imiter. « Paris etc. » est une série qui tient à la co-écriture d’une romancière Anne Berest et d’une réalisatrice et metteur en scène de théâtre Zabou Breitman (reprenant le projet un temps développé par la réalisatrice Maïwenn). Une série qui se recentre totalement sur l’auteur en ce qu'il a de singulier, plus qu'elle ne mise sur la création collaborative. D’ailleurs Zabou Breitman n’y est pas la « show runneuse » lançant un canevas esthétique et scénaristique, mais la réalisatrice de l’intégralité des 12 épisodes. 

Le cadre narratif dans lequel elle opère ? Un portrait choral de cinq femmes, qui ont plus à voir avec le poème de Baudelaire « À une passante » qu’avec une variante de la série américaine GIRLS. Ces cinq femmes ce sont les anonymes que l’on croise dans la rue et dont soudain on saurait où elles vont, et ce qu’elles fuient. La jeune provinciale qui débarque (Lou Roy-Lecollinet), la médecin quinqua à fleur de peau en pleine crise de couple (Valeria Bruni Tedeschi), la traductrice qui se bat pour ses ambitions professionnelles et intimes (Naidra Ayadi), la jeune masseuse faussement banale (Anaïs Demoustier), la matriarche endurcie (Zabou Breitman). 

Au final ce qui est proposé a bien quelque chose du cinéma pour le petit écran, et le travail de réalisation comme la multiplicité des lieux de tournages le soulignent. Mais tout se passe comme si Zabou Breitman faisait de ce poids du 7ème art dans la série française un atout. Une fois adoptée la rythmique des 30 mn, chère aux américains, c’est tout le suc d’un cinéma spécifiquement français dialogué, intimiste, qui peut se déployer sans faire "sous long métrage". Avec des thèmes qui agitent la société française contemporaine comme autant de petits films en puissance : la cicatrisation du Paris post attentats, le traitement de l’intégrisme islamiste dans les médias, les intellos précaires, les nouveaux schémas familiaux, le harcèlement de rue, les discussions sur le FN à table. À voir si le prototype se déclinera, et si cet anti-manuel de  "la parisienne" s'exportera, mais avec "Paris etc." le code a changé (pour reprendre le titre d'un film français).