A quoi sert (encore) l'Organisation Internationale du Travail?

Guy Ryder, le  10e Directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT). Il a auparavant été secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (2006-2010). Il est britannique.
Guy Ryder, le  10e Directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT). Il a auparavant été secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (2006-2010). Il est britannique.  ©Maxppp - SALVATORE DI NOLFI
Guy Ryder, le 10e Directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT). Il a auparavant été secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (2006-2010). Il est britannique. ©Maxppp - SALVATORE DI NOLFI
Guy Ryder, le 10e Directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT). Il a auparavant été secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (2006-2010). Il est britannique. ©Maxppp - SALVATORE DI NOLFI
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Surnommé le Parlement Mondial du Travail, l'Organisation Internationale du Travail réunit sa session annuelle à Genève. Créée en 1919, l'Organisation a fait évoluer le droit du travail, mais ses pouvoirs sont limités par rapport à l'OMC et remis en question par les mutations récentes du Travail.

Une fois par an, l'OIT réunit 4000 délégués venus de ses 187 pays membres. L'OIT est une organisation tri-partite, c'est à dire qu'elle accueille des représentants des employeurs, des syndicats et des gouvernements. On parle beaucoup de concertation en ce moment en France, et bien l'OIT, c'est la concertation en permanence, au niveau mondial. Et la session qui s'ouvre ce 5 juin, c'est en quelque sorte la session extraordinaire de ce parlement mondial du travail.

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On y attend pas de décision fracassante, et pour le moment, on y attend pas non plus beaucoup de chefs d’État. Voilà sans doute l'une des raisons pour lesquelles l’événement sera peu couvert par les médias.

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Le directeur de l'OIT, Guy Ryder, un ancien syndicaliste britannique va ouvrir la plénière avec la présentation d'un rapport sur le travail et le changement climatique. C'est d'actualité avec la récente décision de Trump, mais tous les sujets qu'abordent l'OIT lors de cette 106ème le sont. Ici le programme détaillé.

Pendant ces 10 jours vont s'enchaîner plénières et commissions sur :

On peut adresser beaucoup de critiques à cette organisation mais pas celle d'occulter les vrais sujets.

Une organisation sans pouvoir mais...

L'organisation Internationale du Travail est souvent décriée pour son manque de pouvoir. C'est un procès à la fois légitime et injuste.

Légitime car de fait, l'OIT n'a pas de pouvoir de sanction. Elle peut dire que telle ou telle de ses conventions n'a pas été suivie d'effets par tel gouvernement qui l'avait pourtant adoptée, mais c'est tout.

Récemment par exemple, elle a été saisie par la CGT et FO sur la loi travail, mais une fois son analyse apportée, c'est au gouvernement français de voir ce qu'il en fait. Ça "affichera mal" pour la France si elle est déjugée par l'OIT, et c'est déjà ça, mais c'est tout.

En 2011, l'OIT a épinglé la France (qui avait auparavant été saisie par FO), sur le travail du dimanche. Elle estimait que la hausse des dérogations au repos hebdomadaire dans l'Hexagone obéissait à des "préoccupations économiques" sans prendre en compte l'"impact" social pour les salariés. Cela n'a eu aucun effet.

A l'opposé, l'Organisation Mondiale du commerce, elle, a un mécanisme de sanction des pays qui ne respectent pas les engagements qu'ils ont pris (le mécanisme de règlement des différents). Cela fait toute la différence.

... pas impuissante pour autant.

Cependant, manque de pouvoir ne signifie pas impuissance, et c'est là où le procès qui est fait à l'OIT est parfois injuste.

C'est par le biais des recommandations de l'OIT sur le travail forcé que la plupart des entreprises ont accepté de boycotter la Birmanie, ce qui a eu quand même un effet sur le long terme. Ce n'est pas un hasard, si Aung San Suu Kyi a fait son premier discours international dans l'enceinte de l'OIT.

L'OIT agit aussi directement dans de nombreux pays pour améliorer les conditions de travail des salariés. Vous trouverez la liste de tous ces programmes sur son site.

Au Bangladesh, l'OIT a aidé à créer un corps d'inspecteurs pour contrôler la sécurité des usines après le drame du Rana Plaza. Elle a même financé l'achat des véhicules car auparavant les 10 inspecteurs du pays n'étaient même pas motorisés.

Ce sont des réalisations concrètes, discrètes, mais qui ne changent pas la donne.

L'Organisation Internationale du Travail a été créée en 1919 à la fin de la guerre. D'ailleurs, les articles qui formalisent le fonctionnement et les objectifs de l'OIT sont inclus dans le Traité de Versailles.

Après un siècle de révolution industrielle, l'Organisation Internationale du Travail était censée incarner la face humaine du capitalisme. "C'était une réponse directe à la révolution bolchévique" m'a résumé une de ses directrices. Une forme de contre attaque constructive.

100 ans plus tard, l'OIT a produit des dizaines de conventions, sur les libertés syndicales, sur le travail forcé, le travail des enfants, sur l'égalité de rémunérations etc etc.. Voir ici les principales conventions de l'OIT.

En un siècle, on ne peut pas dire que les droits des travailleurs n'ont pas évolué globalement vers un mieux, mais même ce processus est menacé reconnaît l 'Organisation qui se demande aujourd'hui comment elle doit évoluer à l'heure où se développent de nouvelles formes de travail qui aiguisent encore plus l'asymétrie de pouvoirs entre employeurs et salariés. Cette fois, la menace ce n'est plus le bolchévisme, mais les extrémismes. Que des vrais sujets, je vous dis... Et pourtant, combien de médias en parleront? On parie?

Marie Viennot