

Il n'y aura pas de crise grecque cet été. Ses créanciers européens vont à nouveau lui prêter 8.5 milliards d'euros pour honorer ses échéances. Le FMI a même donné son accord de principe pour faire de nouveau partie des prêteurs. Mais les décisions importantes restent au futur ou au conditionnel.
Un compromis qui ménage tout le monde a été trouvé le 15 juin à Luxembourg. Un compromis qui ménage plus qu'il ne satisfait mais personne n'aura perdu la face avec cet accord.
Collectivement, tout le monde s'éloigne du précipice. La Grèce, va recevoir cet été 8 milliards et demi d'euros, elle va donc pouvoir faire face à ses échéances de juillet, et des arriérés de paiement qu'elle avait.
Le FMI donne son accord de principe pour faire à nouveau partie des créanciers de la Grèce. Sa participation est financièrement symbolique, et conditionnelle, mais c'était une condition nécessaire au déblocage de la situation. L'Allemagne a donc ce qu'elle voulait.
La Grèce aussi. Toute la première partie de l'accord évoque la mobilisation de nouveaux fonds européens pour aider la croissance en Grèce, ce qui permettra au gouvernement d'Alexis Tsipras de mettre en avant des contreparties positives. Ce que le premier ministre grec a déjà fait, en déclarant (dans un tweet): " La Grèce tourne une page".
Le trait est un peu fort, mais c'est parce que commence la bataille psychologique. Il faut maintenant que tout le monde se dise, agents économiques en tête, que la crise grecque c'est du passé, pour que reviennent les investissement, et la confiance.
Enfin, il y a bien une partie dans l'accord sur la soutenabilité de la dette grecque, comme le FMI l'exigeait, et comme Alexis Tsipras l'avait promis à ses électeurs quand il a été élu il y a deux ans.
Allègement, vous avez dit allègement? Pas vraiment...
Pour autant, le texte de l'accord ne parle pas d'allègement de la dette grecque ( vous pouvez le lire ici en anglais).
On joue toujours sur du velours quand on fait des compromis. Dans l'accord, il n'est donc pas question d'alléger la dette grecque (tax relief), mais de faire en sorte que le remboursement de la dette soit soutenable, c'est à dire réaliste avec les capacités financières de la Grèce.
L'indicateur phare pour cela, c'est le GROSS FINANCING NEED, GFN. Ce besoin de financement, c'est ce qu'un État doit emprunter chaque année pour tenir ses engagements financiers vis à vis de ses créanciers, ce qu'il doit emprunter pour rembourser ses emprunteurs en gros.
Vulgairement, on appelle ça de la cavalerie, c'est ce que font tous les États endettés du monde (dont la France), on dit dans le jargon qu'ils font rouler leur dette. Le problème de la Grèce, c'est qu'en 2010, les marchés financiers ont dit FINI, on ne prête plus, et c'est pour cela que les européens ont du se substituer à eux.
A LIRE: Tout comprendre sur la dette grecque, un long article sur la génèse de la dette grecque.
Ce besoin de financement annuel (de cavalerie si j'ose dire) devra rester en dessous de 20% du PIB grec par an dit l'accord de l'Eurogroupe, et les européens s'engagent à prendre les mesures qu'il faudra pour que ce soit le cas. Une piste est même évoquée, une partie des intérêts seraient payé plus tard, et une partie des prêts rendus remboursable jusqu'à 15 ans plus tard.
GFN should remain below 15% of GDP in the medium term and below 20% of Eurogroup GDP thereafter so as to ensure that debt remains on a sustained downward path...The Eurogroup stands ready to implement, without prejudice to the final DSA, extensions of the weighted average maturities (WAM) and a further deferral of EFSF interest and amortization by between 0 and 15 years.
Quand cette discussion aura-t-elle lieu? On ne sait pas... C'est à la carte, en fonction de la situation.
Ce qui est écrit noir sur blanc, c'est que les mesures qui seraient décidés à ce moment là, "shall not lead to additional costs", ne devrait rien couter au pays qui ont prêté à la Grèce.
As agreed in May 2016, these measures shall not lead to additional costs for other beneficiary Member States. Comme prévu en mai 2016; ces mesures ne devraient pas conduite à des couts additionnels pour les autres Etats membres.
Ca c'est la condition allemande, et cela permet au ministre des finances allemands de dire que ça devrait passer devant son parlement.
A ECOUTER/LIRE: Grèce: de (fausses) solutions se dessinent, qui explique notamment pourquoi l'Allemagne est si tatillone sur ces questions d'allègement de dette.
Le problème grec est-il réglé?
La dette de la Grèce reste toujours à 180% de son PIB, et l'accord du 15 juin, en clair, c'est une promesse de réaménagement de la dette si nécessaire.
De nouvelles tensions sur la dette grecque sont encore possibles. En fait, c'est à chaque fois que la Grèce a une échéance de dette à rembourser que la situation se tend. Quand on regarde l'échéancier des remboursements que la Grèce doit faire après cet été, il y a 2 milliards en 2018, puis en 2019, (année chargée), il y a plus de 8 milliards d'avril à octobre. Le plan théorique, c'est qu'à partir de 2019, ce sont les marchés financiers qui prêtent de nouveau à la Grèce.
Retour à la situation "normale" donc, la situation pré-2010 en tout cas, mais les investisseurs auront-ils confiance en la Grèce? Lui prêteront-ils comme anticipé, et à des taux convenables? C'est une inconnue... et elle est beaucoup moins gérable et maitrisable que les réunions entre politiques européens, qui ont, malgré leurs divergences, tout intérêt à s'entraider. Quand la Grèce reviendra dans les bras des marchés financiers en 2019, qui sait si on ne regrettera pas ces interminables réunions de l'Eurogroupe. Interminables, mais plus prévisibles.
Marie Viennot
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