Brésil : derrière la crise politique, la crise économique

Avant la manifestation du 28 mai, il y en a eu beaucoup d'autres. Ici, le 18 mai 2017 à Rio, mais il y a eu aussi en avril contre la réforme des retraites, en mars contre la corruption...
Avant la manifestation du 28 mai, il y en a eu beaucoup d'autres. Ici, le 18 mai 2017 à Rio, mais il y a eu aussi en avril contre la réforme des retraites, en mars contre la corruption... ©AFP - Ellan Lustosa
Avant la manifestation du 28 mai, il y en a eu beaucoup d'autres. Ici, le 18 mai 2017 à Rio, mais il y a eu aussi en avril contre la réforme des retraites, en mars contre la corruption... ©AFP - Ellan Lustosa
Avant la manifestation du 28 mai, il y en a eu beaucoup d'autres. Ici, le 18 mai 2017 à Rio, mais il y a eu aussi en avril contre la réforme des retraites, en mars contre la corruption... ©AFP - Ellan Lustosa
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Manifestation géante à Rio pour la démission de Michel Temer, le président de droite qui a remplacé Dilma Roussef à sa destitution. Le pays a connu deux années de récession, et la classe moyenne, qui avait grandi pendant les années de présidence Lula est la plus affectée. "Amanha va ser outro dia"?

Le Brésil est en récession depuis deux ans. Après avoir connu un taux de croissance de son PIB de 3.5% par an en moyenne pendant 10 ans, entre 2003 et 2013, en gros les années de présidence de Lula da Silva et de Dilma Roussef, fin 2014, la récession a commencé à s'installer. Une récession franche.

  • 3.8% de baisse du PIB en 2015
  • 3.6% en 2016.

Le déclencheur: la chute des cours des matières premières, dont le Brésil, pays continent est un géant.

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Le Brésil est le 4ème exportateur mondial de denrées agricoles: café, jus d'orange, sucre, soja, viande bovine volaille. Il est le deuxième exportateur mondial de minerais: fer, aluminium, métaux précieux.

Le Brésil est également très dépendant des importations chinoises, ce qui le rend vulnérable quand la demande chinoise se tasse, comme en ce moment.

Qui dit moins d'exportations, dit déficit du commerce extérieur, rééquilibrage à la baisse de la valeur de la devise. Le reais brésilien a perdu 50% de sa valeur en 1 an.

NB: ce billet écrit est une version longue du billet audio de ce matin. J'y explique notamment pourquoi je chantonne une chanson de Chico Buarque à la fin, chanson emblématique de la contestation contre la dictature des années 70. Ci-dessous un tweet sur la manifestation qui a eu lieu le 28 mai à Rio, avec Caetano Veloso en guest star.

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Derrière la crise économique, la crise politique

Les deux sont toujours très liés. Le climat politique fait la confiance, et la confiance favorise l'investissement. Or en 2015, l'investissement a diminué de 15%, du fait du scandale qui a conduit à la destitution de Dilma Roussef.

L'autre facteur pénalisant, c'est la politique monétaire de la banque centrale, qui pour lutter contre la baisse du reais a relevé ses taux directeurs. Ils sont autour de 13%.

Les taux ont toujours été élevé dans ce pays, on est vraiment dans un autre monde monétaire que celui qu'on connait en Europe, mais quand on passe de 8 à 13% en quelques années, cela a un effet récessif sur l'économie, car les entreprises et les ménages empruntent moins.

Or ce qui a fait la croissance du Brésil pendant les années Lula, c'est notamment l'accès d'une plus grande partie de la population au crédit bancaire. Cette nouvelle classe moyenne, que l'on estime à 100 millions d'habitants aujourd'hui, soit la moitié de la population, a sur-consommé à crédit pendant longtemps, quitte à frôler le surendettement.

A ECOUTER: un documentaire tourné à Belo Horizonte et Sao Paulo en 2014 sur l'émergence de cette classe moyenne, et sa fragilité. Toujours d'actualité! Brésil: un ascenseur social très fragile

Aujourd'hui les banques jonglent avec les crédits que l'on dit non performants dans le jargon, c'est à dire qui risquent de ne pas être remboursés.

Le risque est d'autant plus grand que le taux de chômage a doublé depuis 2012. On est à 13% aujourd'hui. Résultat, les inégalités se creusent de nouveau dans ce pays déjà très inégalitaire. On mesure cela par un indice, l'indice de GINI. 1 c'est le maximum de l'inégalité, 0 la situation où tous les ménages possèdent le patrimoine moyen. Cette indice est repartie à la hausse en 2016, il est à 0.522 (en France c'est 0.331). C'est un retournement après 10 ans de baisse, tout le contraire du cercle vertueux des années 2004-2014.

Michel Temer et sa politique d'austérité

Le dette du pays atteint aujourd'hui 65% du PIB, et la note du pays a été rétrogradé plusieurs fois par les agences de notation. Pour redonner confiance aux milieux économiques et financiers, le gouvernement conservateur de Michel Temer a lancé des mesures d'austérité sans précédent, et même fait voter une loi qui gèlent les dépenses publiques à leur niveau actuel pendant 20 ans!

Même les écoles de samba du pays entier ont du faire le carnaval a l'économie cette année, c'est dire. A l'université de Rio, la rentrée a déjà trois mois de retard.

La situation sociale devient réellement délétère, ce qui explique aussi l'ampleur de la contestation.

Or plus cette contestation grandit, plus grandit le risque de voir des élections anticipées empêcher le président Temer d'appliquer son programme... ce qui inquiète les milieux d'affaires et renforce encore les forces récessives. On est dans une boucle totalement vicieuse.

En conséquence (NDLR de la contestation), l’agenda de restauration des équilibres budgétaires et du retour à la croissance pourrait être décalé dans le temps, avec des risques sérieux de baisse de la devise et de renchérissement de l’inflation, écrit les services du Trésor français au Brésil dans sa dernière note.

De quoi vouloir se réfugier dans les paroles des chansons populaires brésiliennes: telle que "Apesar de Voce", de Chico Buarque, chanson qui reprend comme une litanie les paroles suivantes: "Amanha vai ser outro dia". "Demain sera un autre jour". Chanson écrite au moment de la dictature (1964-1985), qui a inspiré les banderoles des manifestants de cette époque comme le montre la vidéo ci-dessous.

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Pour une traduction des paroles, et une analyse plus fouillée qui explique comment cette chanson est devenu l'un des hymnes nationaux de la résistance à la dictature, et comment la dictature l'a autorisé à l'enregistrement en la prenant pour une chanson d’amour désenchanté, voir cet article très éclairant.

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Ce thème "des lendemains qui chantent malgré tout" a également été chanté Caetano Veloso qui était l'une des stars de la manifestation du 28 mai à Rio.

"Amanhã Será um lindo dia Da mais louca alegria Que se possa imaginar Amanhã Redobrada a força Pra cima que não cessa Há de vingar". Demain sera un joli jour avec une joie si folle qu'on ne peut l'imaginer. Demain redoublera la force, elle sera si haut, elle qui n'a jamais cessé de se venger".

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Marie Viennot

L'équipe