La question se pose à l'heure de l'examen du 2e budget rectificatif, et ses 110 milliards d’euros pour faire face à la crise économique. Un texte qui prévoit un endettement à 115 % du PIB, et encore ce chiffre n'est que provisoire. Faut-il s'en inquiéter ?
Il faut se pincer pour y croire, quand on voit les montants engagés. Les hauts fonctionnaires de Bercy en ont probablement le tournis.
Revenons un peu en arrière. Quand Emmanuel Macron s’adresse il y a deux ans à une soignante au CHU de Rouen, il déclare qu’il n’y a "pas d’argent magique", pour justifier que l’Etat ne peut pas dépenser sans compter pour l’hôpital. "Si la dette frôle les 100 % du PIB, ce sont nos enfants qui vont payer" affirme ainsi le chef de l’Etat devant les caméras.
Or aujourd’hui, c’est une dette à 115 % du PIB, qui est prévue dans le dernier budget rectificatif. Par rapport au projet de loi de finances initiale, c’est plus de 16 points supplémentaires ! Et encore cette estimation peut évoluer à la hausse, les deux locataires de Bercy ne cessent de le rappeler.
Mais voilà, la situation n’est plus la même et le discours s’est donc adapté. C’est le pragmatisme qui domine. "On a préféré endetter le pays plutôt que générer des faillites" expliquait hier lors d’un point presse téléphonique le ministre des comptes publics Gérald Darmanin. Tout en reconnaissant que l’endettement restait "extrêmement élevé, et préoccupant".
Cet argent magique, on l’a donc trouvé ?
Il y a en tous cas pour l’Etat une facilité indéniable à emprunter de l’argent en ce moment.
D’abord, et ça peut sembler contre-intuitif, la charge de la dette a baissé entre l’adoption du premier budget, fin 2019, et le deuxième budget rectificatif qui passe tout à l’heure devant les sénateurs.
Ce que dépense l’Etat pour payer ses intérêts est ainsi attendu en baisse de 2 milliards d’euros ! Explication : une partie de l’argent levé sur les marchés est indexé sur l’inflation, attendue en recul, du fait la chute des prix du pétrole …
L’Etat va par ailleurs continuer à emprunter à des taux négatifs pour ce qui est de ces émissions de dette à court terme, grâce au "bazooka" déclenché par la Banque centrale européenne, qui a injecté 750 milliards d’euros pour opérer des rachats de dette.
Donc , pas d’inquiétude, cet endettement à hauteur de 115 % du PIB, finalement ce n’est pas un gros problème ?
Non on ne peut pas dire cela non plus. D’abord la situation peut évoluer, en fonction aussi de notre capacité à gérer la crise. La signature française pourrait ainsi demain, être moins plébiscitée par les investisseurs et donc les taux d’emprunt augmenter.
Il faudra aussi voir dans quelle mesure, les pays européens réussissent à s'accorder sur une forme de mutualisation des dettes, pour éviter une crise de la zone euro qui pourrait être délétère...
Et puis l’Etat français n’a pas non plus l’intention de laisser filer indéfiniment sa dette. Le moment venu, il faudra la réduire et faire des efforts, a déjà prévenu le ministre de l'économie Bruno Le Maire. "L’Allemagne peut répondre massivement au choc actuel, car elle a su diminuer sa dette quand elle allait mieux" estime en échos le gouverneur de la Banque de France.
Pour l’instant, le discours officiel c’est de ne pas augmenter les impôts. Mais, cela sera-t-il tenable dans la durée alors que resurgit le débat autour de la taxation des hauts revenus, et notamment du retour de l’ISF ?
En tous cas la piste privilégiée, c’est de faire des économies, piste d’ailleurs déjà évoquée avant la pandémie. Fin février Bruno Le Maire disait ainsi réfléchir à une réduction des dépenses sur des éléments de politique publique, citant à titre d’exemple les efforts déjà faits sur le logement ou les contrats aidés .
Reste à savoir quand sera venu le moment d’engager cette politique ? A manier aussi avec précaution, pour ne pas casser la confiance et donc ce qui sera alors, on l’espère, un redémarrage de l’économie.
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