Covid-19 : les assureurs sous pression pour indemniser les pertes d'exploitation

Les restaurateurs critiquent vivement l'attitude des assureurs pendant cette crise.
Les restaurateurs critiquent vivement l'attitude des assureurs pendant cette crise.  ©Maxppp - Arnaud Journois
Les restaurateurs critiquent vivement l'attitude des assureurs pendant cette crise. ©Maxppp - Arnaud Journois
Les restaurateurs critiquent vivement l'attitude des assureurs pendant cette crise. ©Maxppp - Arnaud Journois
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Les assureurs conviés à Bercy ce matin avec les professionnels de l'hôtellerie restauration, pour préparer le comité interministériel du tourisme qui se tient jeudi. Ils sont sommés de prendre leur part face à la crise économique, née de la crise sanitaire.

Plus que les banques, les assureurs ont concentré les critiques ces dernières semaines. L'exécutif les a mis sous pression. Dans sa dernière allocution télévisée du 13 avril, le président de la République Emmanuel Macron, leur a demandé d'être au rendez-vous de la mobilisation économique. Appel renouvelé 10 jours plus tard devant les intéressés lors d’une réunion consacrée à la filière touristique.  

Car ce sont surtout les restaurateurs qui ont lancé les attaques les plus vives, accusant les compagnies d’assurance de ne pas couvrir leurs pertes d’exploitation, alors même qu’ils étaient contraint de fermer leurs établissements, face au risque sanitaire. 

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Figure de proue de ce mouvement, le chef Stéphane Jégo, du restaurant l’Ami Jean à Paris, qui a lancé une pétition sur "change.org". Le ministre de l'économie Bruno le Maire a répondu à cette interpellation le 6 mai dernier, sur cette même plate-forme, sans véritablement calmer les inquiétudes. 

La bataille se déroule aussi sur le terrain judiciaire : aujourd'hui devant le tribunal de commerce de Paris, un restaurateur, Stéphane Manigold, porte plainte contre son assureur AXA. Son contrat prévoit bien une couverture en cas de fermeture administrative, mais la compagnie refuse de l'indemniser, estimant que la garantie ne fonctionne pas en l'espèce, ne pouvant selon elle s'appliquer à une fermeture de portée générale, comme c'est le cas avec cette pandémie
 

Le modèle même de l'assurance en question

Les assureurs font barrage, car il en va, disent-ils, de leur modèle. Le principe de l’assurance, c’est la mutualisation rappelle la Fédération française de l'assurance (FFA). On indemnise ceux qui sont touchés par un sinistre, grâce aux primes de ceux qui ne sont pas concernés. Donc dans le cas d’une pandémie qui frappe tout le monde, ça ne marche pas, dit-elle.  

Et puis, toujours selon la FFA, indemniser les pertes d’exploitation, qu'elle estime à 60 milliards d'euros, reviendrait à mettre le secteur à terre, avec pour conséquences d'aggraver la crise. 

Une alerte similaire a d’ailleurs été lancée par le GFIA, le lobby des assurances au niveau mondial. Car le sujet dépasse nos frontières : aux Etats-Unis ou encore en Allemagne, les compagnies sont aussi appelées à aider d’avantage les entreprises.  

En France, certains groupes ont décidé de faire un geste. Premier sur les rangs : le Crédit Mutuel et sa filiale CIC, qui ont annoncé  une prime exceptionnelle de 7 000 euros en moyenne pour leurs clients professionnels “Un devoir moral” selon le président du groupe Nicolas Théry. Depuis, d’autres ont suivi, comme le groupe Covéa (MMA, MAAF, GMF) ou le Crédit Agricole, déclenchant la colère de leurs concurrents, qui dénoncent une communication trompeuse et mensongère. L'ACPR, le gendarme financier a même été saisi de la question ! 

En dehors de ce sujet ultra-sensible, le secteur a quand même réussi à s’accorder sur d’autres dispositifs anti-crise, sous la pression du gouvernement il faut le dire.   

Il a ainsi promis 400 millions d’euros au fond de solidarité géré par l'Etat qui indemnise les TPE qui ont du fermer ou ont vu leurs chiffres d'affaires baisser de plus de 50 % sur un an. Il s’est aussi engagé à verser 1 milliard et demi d'euros pour investir dans des entreprises du secteur la santé, mais aussi du tourisme.  

Au delà, il faudra, et c'est la priorité pour l’exécutif, construire un nouveau risque couvrant une pandémie. Un projet pour le "monde d'après". Le groupe AXA s’est déjà dit favorable à un système qui pourrait être co-géré avec l’Etat. 

Les associations de consommateurs font aussi pression

La pression ne vient pas que des clients professionnels, les associations de consommateurs réclament, elles aussi, des compensations.  

UFC que Choisir a ainsi demandé aux assureurs de rendre aux particuliers l'intégralité des économies réalisées grâce à la baisse des accidents automobile pendant le confinement. Soit, selon ses estimations, 2,2 milliards d’euros.  

Là aussi la Fédération du secteur est montée au créneau, expliquant qu’on ne savait pas quels seraient les comportements des automobilistes dans les mois à venir.

Cela n’a pas empêché là aussi des gestes commerciaux. La MAIF va reverser 100 millions d’euros à ses clients, GMF lui a emboîté le pas. Et là aussi leurs concurrents ont vu rouge. 

Reste que, jeudi, lors des annonces pour le tourisme, le secteur de l'assurance tentera d'afficher son unité, et de redorer son image en montrant les efforts réalisés pour les hôteliers restaurateurs, et pour l’activité économique en général. Mais la bataille de l'opinion semble encore loin d'être gagnée.