De quoi la Grèce est-elle l'enjeu?

Le dernier projet de loi voté le 18 mai 2017 prévoit de nouvelles coupes dans les retraites, déjà amputées à 13 reprises depuis le début de la crise, et de nouvelles  hausses d'impôts y compris pour les ménages à la limite du seuil de pauvreté.
Le dernier projet de loi voté le 18 mai 2017 prévoit de nouvelles coupes dans les retraites, déjà amputées à 13 reprises depuis le début de la crise, et de nouvelles  hausses d'impôts y compris pour les ménages à la limite du seuil de pauvreté.  ©AFP - PANAYOTIS TZAMAROS
Le dernier projet de loi voté le 18 mai 2017 prévoit de nouvelles coupes dans les retraites, déjà amputées à 13 reprises depuis le début de la crise, et de nouvelles hausses d'impôts y compris pour les ménages à la limite du seuil de pauvreté. ©AFP - PANAYOTIS TZAMAROS
Le dernier projet de loi voté le 18 mai 2017 prévoit de nouvelles coupes dans les retraites, déjà amputées à 13 reprises depuis le début de la crise, et de nouvelles hausses d'impôts y compris pour les ménages à la limite du seuil de pauvreté. ©AFP - PANAYOTIS TZAMAROS
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La réunion décisive des créanciers de la Grèce ne l'a pas été. Une fois encore. L'été approche, et avec lui une échéance de prêt à rembourser pour un montant de 7,3 milliards d'euros. La Grèce et sa santé économique, est-ce vraiment l'enjeu de toutes ces réunions?

Pas d'accord sur la Grèce à Bruxelles, mais les créanciers internationaux estiment avoir enregistré des progrès. Je ne sais pas trop comment il faut prendre cette affirmation, car ce n'est pas la première fois que l'on entend ce genre de déclarations.

A entendre les déclarations du nouveau ministre des finances de la zone euro Bruno Le Maire, on aurait pu cependant s'en douter. L'inventivité, l'imagination, c'est fantastique, mais pour que cela soit décliné en accord financier, cela prend nécessairement un peu de temps.

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"Il faut faire preuve d’inventivité, tout comme il faut faire preuve d’imagination, pour parvenir à un accord", Bruno Le Maire à son arrivée à Bruxelles.

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Depuis février, toutes les réunions des ministres des finances de la zone euro sont consacrées à la Grèce, quasi exclusivement. D'abord, il fallait aboutir avant les élections néerlandaises, puis avant les élections françaises, et maintenant l'échéance n'est plus politique, mais financière.

Voir ici de très nombreux billets économiques sur la Grèce (les plus récents, car il y en a beaucoup d'autres):

En juillet, la Grèce doit rembourser 7,3 milliards d'euros à des créanciers, la banque centrale européenne essentiellement, et des créanciers privés. Elle a besoin d'un nouveau prêt pour faire face à cette échéance.

Pas d'un "nouveau nouveau" prêt, ni d'un nouveau plan de sauvetage. Le principe de ce prêt a été acté l'été 2015, quand la Grèce a frôlé le Grexit. Mais les 86 milliards promis sont versés en petites tranches, au coup par coup. La décision de verser une nouvelle tranche devait être prise le 22 mai, mais finalement non. Les ministres européens, le FMI et le BCE sont-ils à ce point accros aux sensations fortes qu'il faille attendre la toute dernière minute pour trouver un accord?

Qu'est ce qui bloque?

Il y a beaucoup de calculs politiques, politiciens et financiers, et la Grèce et sa situation économique ne sont pas toujours l'enjeu de ces calculs. La Grèce c'est le chien dans un jeu de quille, ou la victime du coup de billard à trois bandes... L'échec de la réunion du 22 mai en est une nouvelle preuve.

Car entre la précédente réunion "spécial Grèce", et celle ci, il s'est passé quand même quelque chose. Le gouvernement grec a fait voter un nouveau plan d'austérité dans lequel il a accepté tout ce que lui demandaient ses créanciers, même le FMI qui n'est pas partie prenante au troisième plan non pas d'aide comme on l'entend dire, mais plan d'ajustement économique. Plan d'ajustement économique c'est le terme officiel.

Le gouvernement Tsipras s'est assis sur toutes ses promesses, il a tout accepté. Difficile de dire maintenant que le problème c'est que le compte n'y est pas côté grec.

Alors, il est où le problème?

Calculs politiciens allemands

Il est du côté de l'Allemagne clairement. Il y a des élections cet automne. Angela Merkel joue sa 4ème réélection. Or, le dossier grec est un marqueur politique dans ce pays. Or le public que doit conquérir la chancelière si elle veut être élue, n'est pas sur sa gauche, mais sur sa droite. Plus elle, et son ministre des finances Wolfgang Schäuble, se montreront durs avec la Grèce, plus elle peut espérer gagner des voix.

L'autre enjeu de la réunion d'hier pour le pouvoir allemand, c'était de montrer qu'ils sont toujours les plus forts, et que l'élection d'Emmanuel Macron n'y change rien. Les journaux populistes allemands ont déjà fait leur titre sur les idées couteuses pour l'Allemagne du nouveau président français. Lors de ce premier contact avec le nouveau ministre des finances français Bruno Le Maire, il fallait montrer que lui ou Michel Sapin, ça ne changeait rien.

Et le FMI dans tout ça?

Le FMI, c'est l'alibi bien pratique. Puisque la Grèce respecte dorénavant sa partie, puisque la Grèce a même réussi l'exploit d'avoir un excédent primaire plus important que prévu fin 2016, il faut trouver un autre problème pour prolonger le bras de fer, et c'est la participation du FMI au troisième plan d'ajustement économique qui permet de faire encore durer les choses.

Voir ici un billet qui a un an, mais reste toujours d'actualité (sauf pour la partie Brexit): Tsipras, FMI, UE et Brexit sont dans un bateau

Un groupe de pays d'Europe du Nord conduit par l'Allemagne réclame que le FMI se joigne à un accord pour des raisons de crédibilité, estimant que l'approche de la Commission européenne vis-à-vis d'Athènes peut être parfois trop complaisante, relate l'AFP

Le FMI souhaitant un accord sur l'annulation d'une partie de la dette grecque, ne pas en discuter, cela permet de repousser les décisions.

"Nous avons abordé la question (de l'allègement de la dette grecque) avec un degré de détail absolument sans précédent", a affirmé le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici.

Rendez-vous donc le 15 juin à Luxembourg. Il faudra bien aboutir avant juillet et cette échéance de 7 milliards et quelques que la Grèce doit payer en juillet, avant les élections allemandes donc. Sans accord, on est parti vers une nouvelle crise grecque, et là cela irait trop loin, et ce serait sans doute contreproductif pour les calculs politiciens de l'exécutif allemand.

Contre productif pour la Grèce? Ça ce n'est pas le sujet! Pourtant le report des décisions de réunions en réunions a bien un impact économique. L'incertitude bride l'investissement, la reprise, la Grèce est repartie en récession au premier trimestre de cette année. C'est la huitième année de récession. Le PIB a chuté d'un quart depuis la crise.

Qui fera un jour le compte de ce que ces non décisions ont couté aux Grecs en croissance, en emploi, en augmentation de la pauvreté?

Qui fera le compte? Ce serait intéressant de savoir. Ainsi on pourrait retirer ensuite ce montant de ce que les Grecs ont à nous rembourser...

C'est l'idée que j'apporte aux créanciers avant leur prochaine réunion spécial Grèce en juin. Ce serait une façon légitime d'alléger la dette grecque, pour service rendu à politiciens européens pour leurs calculs divers et variés. J'ajoute qu'on pourrait même faire payer cet allègement par les partis politiques, et non les contribuables européens, à qui ces atermoiements au final vont couter. On me rétorquera que ces calculs seraient longs et compliqués. Mais après tout, les créanciers de la Grèce y sont habitués.

Marie Viennot

L'équipe