Economie responsable, un oxymore?

La ministre du numérique en visite dans une entreprise. Mettre un baby foot à disposition de ses salariés, une attitude positive?
La ministre du numérique en visite dans une entreprise. Mettre un baby foot à disposition de ses salariés, une attitude positive?  ©Sipa
La ministre du numérique en visite dans une entreprise. Mettre un baby foot à disposition de ses salariés, une attitude positive? ©Sipa
La ministre du numérique en visite dans une entreprise. Mettre un baby foot à disposition de ses salariés, une attitude positive? ©Sipa
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Un Forum mondial de l'économie responsable est organisé cette semaine en France. Il y a un mois le Havre accueillait un forum sur l'économie positive. "Social washing" ou réelle évolution? L'entreprise peut-elle viser un autre but que sa performance économique?

L'économie peut-elle responsable? L'ouverture d'un forum mondial sur l'économie responsable cette semaine en France me donne l'occasion de poser cette question. Ce forum existe depuis 10 ans. Il a pour but de mettre en avant des exemples d'entreprises qui ont un comportement vertueux, parce que responsable.

Responsable de quoi, de qui? De tout ce sur quoi les entreprises ont un effet. Salariés et actionnaires en interne, fournisseurs et clients en externe et au delà même la société et l'environnement.

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Légalement, cela porte un nom: responsabilité sociétale des entreprise RSE. Depuis 2001, les plus grosses entreprises ont l'obligation de publier un rapport sur les conséquences extra-financières de leur activités, rien de très contraignant donc mais quand même, au moins ce regard existe.

"L'entreprise autrement"

Aujourd'hui on sent clairement une tendance à mettre en avant l'idée que tout n'est pas noir, que l'économie n'est pas seulement synonyme de crise. Il y a un mois le Havre a accueilli un forum sur l'économie positive. Jean-Marc Chardon y avait consacré sa chronique : L'économie positive prend la mer au Havre. Le mensuel Alternative économique cite ce mois ci 10 exemples d'entreprises dans son numéro intitulé: " L'entreprise autrement".

On sent clairement une tendance à vouloir exprimer le fait que l'entreprise peut servir d'autres buts que sa performance économique. Est-ce possible? Les entreprises le veulent-elles? Le peuvent-elles?

Oui, répond un courant du management que l'on appelle "l'entreprise libérée". C'est la version la plus pure de cette économie dite responsable. Sur le podcast, vous entendrez un court extrait de Positive Vibration, de Bob Marley, histoire de mettre tous ceux et celles qui se réveillent dans une attitude positive et ouverte, vis à vis de l'entreprise, nous sommes lundi :)

Difficile de sentir parfois la vibration positive dans l'entreprise. Et c'est presque inévitable. Les entreprises sont construites de façon pyramidale, et dans ce système hiérarchique, chacun essai de grimper vers le haut.

Entreprise libérée, sans concession

Soit l'entreprise en est conscience et met en place des procédures pour éviter cette course au sommet, quitte à grimper sur son collègue pour monter, soit, elle ne l'est pas, et encourage au contraire ces comportements prédateurs.

Il n'y a pas de position intermédiaire m'expliquait Yves Cavarec, consultant et auteur sur la coopération en entreprise.

Une entreprise peut mettre à disposition de ses salariés un babyfoot, cela ne veut pas dire qu'elle traite correctement ses salariés.

Pour lui, l'économie positive, responsable passe forcément par ce nouvel objectif assigné à l'entreprise : l'homme, l'humain. Dans cette approche, l'entreprise ne serait plus un but en soit, mais un moyen.

Cette approche, très radicale, n'est pas une utopie, il y a des entreprises qui tentent sincèrement des expériences, même des grandes. Vous retrouverez ici une carte des initiatives actuelles, cependant, cependant, cette approche là de l'entreprise est très embryonnaire.

Vous trouverez d'autres liens et d'autres références en écoutant et/ou lisant, ce précédent billet : Contrat agile : histoire d'un concept dévoyé.

Entreprise responsable, mais pas trop

Clairement, le World Economy Forum for a Responsible Economy ne propose pas une vision aussi radicalement différente de ce que doit être une entreprise. Ici un article du Figaro avec le président de ce forum, Philippe Vasseur et une des entreprises participantes, la BNP Paribas.

Ce forum a pour thème : "L'entreprise pour quoi faire?". J'ai posé la question à l'organisateur de façon un peu candide. L'entreprise pour créer des emplois? Non, m'a répondu l'organisateur. "L'emploi est un résultat, pas un but". On est donc dans une vision plus traditionnelle de l'économie que l'entreprise libérée.

Mais cet ancien ministre de Jacques Chirac en est persuadé: les choses sont en train de changer dans les entreprises. "La notion de commandement est en train de changer. Les salariés sont de plus en plus responsabilisé, les formes de travail éparpillées, tout cela aura un impact sur l'entreprise, et va la faire changer". Cependant, Philippe Vasseur reconnaît qu'il y a beaucoup de "social washing", c'est à dire de marketing de la part des entreprises qui mettent en avant leurs "bonne pratiques".

La clef reste la rentabilité

Etre responsable, est-ce être plus rentable? La démonstration n'a pas été faite encore. France Stratégie y a consacré un rapport très sérieux de 140 pages il y a 10 mois. Sa conclusion (page 101), c'est qu'aucun élément ne permet de dire que plus de responsabilité conduit à moins de rentabilité.

Autrement dit, il n'y aurait pas grand chose à gagner pour une entreprise à être responsable, mais pas grand chose à perdre non plus...

Pas sûr qu'on arrive à engager un mouvement de fond sincère et durable avec de tels arguments... Une étude de l'Insee (citée page 5 du rapport de France Stratégie), révèle que seulement un quart des entreprises françaises de plus de 9 salariés déclarent s'impliquer dans des démarches responsables. Elles sont 60% à déclarer ne pas connaitre cette notion.

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