EDF-Hinkley Point : une équation à 7 inconnues (au moins)

L'accord de principe sur le projet Hinkley Point a été accepté en 2013.
L'accord de principe sur le projet Hinkley Point a été accepté en 2013. ©Reuters - Suzanne Plunkett
L'accord de principe sur le projet Hinkley Point a été accepté en 2013. ©Reuters - Suzanne Plunkett
L'accord de principe sur le projet Hinkley Point a été accepté en 2013. ©Reuters - Suzanne Plunkett
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EDF doit-elle se lancer dans la construction de deux réacteurs nucléaires en Angleterre à Hinkley Point? That is the question. La réponse n'est pas simple, l'équation remplie d'inconnues, or elle engage la France. EDF est à 85% publique.

C'est un dossier extrèmement compliqué, stratégique et couteux. L'entreprise EDF doit-elle se lancer dans la construction de deux réacteurs nucléaires en Angleterre, à Hinkley Point, voilà la question.

EDF est déjà le principal opérateur d'électricité outre manche, ce projet est donc une façon de confirmer sa position de leader sur le marché britannique. Mais ce n'est pas une décision qui n'engage que l'entreprise. Elle engage la France entière car EDF est encore à 85% publique.

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Il y a eu une réunion le 20 avril à l'Elysée, le 22 avril, il y aura un conseil d'administration à EDF, une décision doit être prise avant le 12 mai, date de l'assemblée générale d'EDF, mais le moins que l'on puisse dire c'est que les avis divergent fortement, au point que le directeur financier Thomas Piquemal a claqué la porte début mars en tirant la sonnette d'alarme sur la situation financière de l'entreprise.

C'est normal que les positions soient si divergentes : il y a trop d'inconnues pour que la décision soit prise de façon rationnelle. "L'équation financière d'EDF est difficile", reconnaissait le PDG d'EDF Jean-Bernard Levy dans le Monde à la mi février.

Les EPR, toujours plus longs et plus couteux

Je me suis arrêtée à sept inconnues, mais on pourrait en trouver plus, sept, c'est un minimum.

La première inconnue, c'est le coût de ce chantier anglais. Sur le papier, c'est 23 milliards d'euros. Le problème, c'est qu'on n'est pas du tout sûr que ce chiffre soit le bon. On est même sûr qu'il ne l'est pas tant les précédents chantiers de ce type ont complètement déraillé.

Flamanville, par exemple c'est 7 à 10 ans de retard, un budget multiplié par trois, et encore plein de problèmes non résolus, notamment un problème de conformité sur une cuve... tout sauf un détail. L'Autorité de Sureté Nucléaire a relevé une anomalie en avril 2015, et depuis elle ne cesse de repousser son avis final.

23 milliards d'euros c'est donc un chiffre à minima.

Or qui paye? EDF, pour les deux tiers, et un partenaire chinois pour le reste. EDF se remboursera ensuite le coût de la construction quand elle vendra l'électricité aux Anglais, mais au mieux, ce sera en 2025 (s'il n'y a pas de retard), et d'ici là, il faut donc avancer l'argent.

Or, EDF a un "petit" problème en ce moment. Le prix de gros de l'électricité, qui est déterminé par le cours du charbon et du gaz, est très bas. De ce prix dépend la capacité d'EDF à dégager des ressources pour rester rentable et investir. Nul ne sait comment ce prix va évoluer sur les 10, 15 prochaines années, deuxième inconnue.

La troisième inconnue est multiple. J'ai fait un package sinon il y en avait trop. EDF a beaucoup de pain sur la planche dans les prochaines années.

  • l'EPR de Flamanville à finir: coût inconnu (dépend de la décision de l'ASN sur le problème de la cuve)
  • le chantier Finlandais (lui aussi en retard et hors budget) à livrer: coût difficile à évaluer
  • les travaux pour allonger la durée des 58 réacteurs français, ce qu'on appelle le grand carénage, coût estimé à 50 milliards d'euros par EDF
  • le centre des déchets à Bure : coût arrêté à 25 milliards d'euros au Journal Officiel en janvier 2016, mais l'Andra (l'Agence nationale pour la gestion des déchets radio-actifs), l'évalue plutôt à 32 milliards.

Pour chacun de ces chantiers, il y a des estimations différentes, et l'écart se chiffre donc au final en dizaine de milliards d'euros.

D'où viendra l'argent?

Quatrième inconnue, où trouver l'argent? L'Etat, c'est à dire nous, pourrait contribuer, mais pas à la hauteur des besoins. EDF va donc devoir s'endetter. Avec une dette nette de 37.4 milliards d'euros, EDF est l'une des entreprises les plus endettée au monde.

Au delà d'un certain niveau d'endettement, sa note (comme les Etats, EDF est notée), risque de chuter. Deux agences de notation, Mooddy's et S&P ont mis sa note sous surveillance négative.

Si la note d'EDF baisse, les intérêts auquel les marchés financiers lui prêtent quand elle émet des obligations augmenteront. Aujourd'hui, les taux sont plutôt bas, mais dans 5, 10, 15, 30 ans, car c'est à cette échelle qu'il faut réfléchir, quels taux d'intéret EDF devra payer pour sa dette colossale? Personne ne sait, 6ème inconnue.

Septième inconnue : le risque nucléaire

C'est l'inconnue indicible, liée au risque de l'activité nucléaire. On préfèrerait l'ignorer, mais cette inconnue fait bien partie de l'équation. On a appris le 20 avril, qu'un réacteur de la centrale de Paluel, en Seine Maritime avait été mis à l'arrêt pour plusieurs mois suite à un "incident" survenu le 31 mars. Le réacteur numéro 2 était déjà à l'arrêt pour des travaux de maintenance. Lors de sa manipulation un des générateurs a basculé, chuté, et endommagé les plateaux de protections de la piscine. Dans ce tweet une photo diffusée par le réseau Sortir du Nucléaire.

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On pourrait rajouter une 8ème inconnue, l'absorption d'AREVA, mais vu le reste, c'est presque une paille pour EDF, pour dire....

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