

Urgence. La Grèce a 7 milliards d'échéances de dette à rembourser en juillet, mais sans accord à l'Eurogroupe pour le déblocage d'une nouvelle tranche de prêt, elle n'y arrivera pas. La France et le FMI avancent des pistes pour sortir de l'impasse, mais aucune n'est totalement satisfaisante.
Il y a deux solutions possibles pour que la réunion de l'Eurogroupe ce 15 juin à Luxembourg ne se solde pas par un échec. L'une a été proposé par le FMI, l'autre est avancée par la France et a les faveurs de la Grèce (le ministre des finances Bruno Le Maire était en début de semaine à Athènes) mais aucune d'elle n'est idéale.
Rappel des épisodes précédents. Athènes a 7 milliards d'échéance de prêt à rembourser en juillet, et comme elle ne les a pas en caisse, elle a besoin que soit débloqué une nouvelle tranche du prêt accordé en 2015, l'année où elle a frôlé le Grexit.
L'enjeu de la réunion de ce 15 juin est très différent des précédents. Jusqu'à maintenant, la contrepartie de l'argent versé, c'était les réformes menées en Grèce. Là, les réformes ont été faites, il n'y a quasiment rien à redire.
Ce qui bloque, c'est que l'Allemagne veut que le FMI revienne parmi les créanciers de la Grèce car elle y voit une garantie que le programme d'ajustement sera respecté, mais en même temps, l'Allemagne refuse de discuter d'un allègement de la dette grecque, alors que c'est LA condition du FMI pour revenir. C'est un peu kafka sur les rivages de la méditerranée, en moins poétique.
La solution du FMI
Début juin, la directrice du FMI, Christine Lagarde a proposé une idée. Le FMI pourrait accepter de rejoindre les créanciers de la Grèce pour le troisième plan (celui de 2015) "en principe", mais il ne débourserait l'argent qu'une fois que les européens se seraient mis d'accord sur l'allègement qu'il appel de ses voeux.
C'est subtil, mais ce n'est pas nouveau, le FMI a déjà pratiqué ce type d'engagement de principe 19 fois selon Eric Dor, directeur des études à l'IESEG.
AVANTAGE: cela permet de reporter toute décision après les élections allemandes de septembre, et de débloquer les 7 milliards pour la Grèce et éviter que le spectre du Grexit ne refasse son apparition.
A ECOUTER/LIRE: De quoi la Grèce est-elle l'enjeu?
INCONVÉNIENT: ce n'est pas bon pour la Grèce. Une fois les 7 milliards d'euros débloqué, elle pourra "passer l'été", mais rendez-vous on ne sait quand pour reparler de l'allègement de sa dette. Pendant ce temps, l'économie reste dans les limbes de l'incertitude politique. Or, comme l'explique le commissaire européen aux affaires économiques Pierre Moscovici, la croissance en Grèce évolue en dent de scie, et à chaque fois qu'une réunion de l'Eurogroupe échoue, le PIB de la Grèce accuse une baisse car les investisseurs redoutent une nouvelle crise, et reportent leurs investissements.
La solution "française"...
La deuxième solution est amenée à la table des négociations par Bruno Le Maire mais ce n'est pas une solution française. C'est une solution qui avait été proposé en 2015 par Yanis Varoufakis, l'ancien ministre des finances grec, mais tout le monde fait mine de l'avoir totalement oublié. Cet article de Mariane le rappelle, ainsi que celui ci de Libération. En revanche, pas un mot dans l'article des Echos de ce 15 juin. J'ai pu moi même poser la question à "une personne proche du dossier" et elle m'a répondu ne pas se souvenir de ce qu'avait proposé Varoufakis (!).
Cette solution consiste à indexer les remboursements de la Grèce sur la croissance du pays.
AVANTAGES
- Cela permet de rassurer le FMI qui pense que les européens ont été trop optimiste dans leurs prévisions.
- Cela rassure la Grèce qui sait que le fardeau de ses remboursements ne sera jamais excessif.
INCONVÉNIENT: Le gros défaut de cette solution c'est qu'elle peut au final nous couter de l'argent. Quand je dis nous, je veux dire tous les contribuables des pays qui ont prêté à la Grèce. L'Allemagne arrive en tête, la France deuxième...
Or pour le moment, les pays de la zone euro ont accepté de se substituer aux créanciers privés qui ne voulaient plus prêter à la Grèce, mais en aucun cas, ils n'ont accepté que cela soit une dépense pour eux. Or, la dernière échéance de prêt de la Grèce vis à vis de nous, c'est 2059. Qui sait ce qui peut se passer d'ici là... Voilà pourquoi cette solution a déjà été écarté en 2015 et risque de l'être à nouveau aujourd'hui.
... et pourquoi elle sera écarté.
C'est l'Allemagne qui bloque, on le sait, mais ce n'est pas uniquement pour des raisons électorales, c'est aussi parce qu'en Allemagne, comme en Finlande et aux Pays Bas, le ministre de l'économie n'a pas le droit d'engager des dépenses pour son pays, sans l'aval de son parlement.
Si une décision est prise sur la Grèce ce 15 juin, le ministre Allemand Wolfgang Schäuble devra la faire ensuite acceptée par ses députés. En France, nos ministres des finances peuvent se placer dans le camp des généreux, c'est aussi parce qu'ils ont les mains libres et que la dette grecque, et le cout qu'elle aura peut être un jour pour les contribuables français, n'est pas un sujet de débat. L'éditorial de Laurent Joffrin dans Libération intitulé: Il faut alléger le fardeau de la Grèce en est une illustration. Il ne mentionne jamais le fait qu'alléger ce fardeau, cela veut dire faire payer les créanciers, et donc au final les Français. L'attitude de l'Allemagne sur la Grèce est à de nombreux titres condamnable (voir ici un précédent billet: Qui veut un Grexit), mais la rigueur allemande n'est pas que financière, elle est aussi démocratique. Les citoyens allemands sont majoritairement opposés à l'idée de débourser un sou pour la Grèce. Tenir compte des opinions de ses concitoyens, attendre qu'ils se soient prononcés par les urnes pour faire des choix qui les impacteront, est-ce si condamnable?
Marie Viennot
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