Le marchandage continue entre la Grèce et ses créanciers. Tous les trois mois, le pays doit donner des gages en échange de quelques milliards, pourtant déjà acquis à l'été 2015. Relations méprisantes, refus de parler d'un allègement de dette: ce calcul de court terme finira pas coûter plus cher.
Fini le camping, c'est ce qu'avait déclaré le président de l'Eurogroupe à la mi septembre à l'attention des Grecs. La phrase exacte, qu'a prononcé Jeroen Dijsselbloen, le ministre Hollandais qui préside la réunion des ministres des finances de la zone euro c'est :
"La pression est de retour, nous avons vraiment besoin de progresser. L'été est terminé. Il faut ranger le matériel de camping".
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Cette phrase illustre à merveille le type de rapport qui existe entre la Grèce et ses créanciers européens.
Elle fait mine d'ignorer qu'il y a toujours 23% de chomage en Grèce, 23%, que les Grecs sont de moins en moins nombreux à partir en vacances, et que s'ils déplient les tables de camping, c'est plutôt pour les touristes qui sont aujourd'hui la deuxième ressource du pays, ou pour accueillir les réfugiés dont ils sont la première porte d'entrée en Europe.
Fini le camping donc, retour de la pression... et toujours le même le modus operandi. Le prêt accordé il y a 18 mois quand la crise était à son paroxysme, ce prêt de 85 milliards d'euros est versé par petit bout, petites tranches de quelques milliards.
Tous les trois mois environ, les mêmes scènes de marchandages se reproduisent sur le mode: "tu fais voter les réformes que j'exige et je te verse l'argent promis". Cette scène a eu lieu encore hier à Luxembourg, pour la réunion des ministres des finances de la zone euro. L'argent sera bien versé, mais moins que prévu. Cette deuxième tranche devait être de 2 milliards 800 millions, mais finalement moins de la moitié sera accordé.
Le marchandage continue
Que demandent cette fois encore les pays de la zone euro à la Grèce? L'effectivité des réformes. Car sur le papier, entre 95 et 99% de ce qui a été demandé a été fait, à reconnu Jeroen Djisselbloem, le peu conciliant ministre des finances Hollandais.
L'un des points les plus épineux, c'est toujours la mise en oeuvre des privatisations, qui sont censés renflouer les caisses de l'état grec. J'avais déjà consacré un billet à ce sujet : il y a de quoi faire un film là dessus. Privatisations en Grèce : un casse tête chinois.
Le dernier épisode de ce film, ce sont les créanciers qui exigent que deux officiels non grecs participent au fond de privatisation, et les Grecs qui rechignent, et qui rechignent d'autant plus que le président de ce fond de privatisation n'est pas Grec mais Français.
Un Français à la tête des privatisations grecques
Et oui c'est un Français qui préside aux privatisations de l'Etat Grec depuis septembre. Il s'appelle Jacques Le pape, ancien inspecteur général des Finances, passé par air France KLM, et le cabinet de Christine Lagarde quand elle était ministre des finances entre 2007 et 2011, justement dans ces années où la crise grecque éclatait.
Pour une remise à jour de comment tout a commencé, je vous conseille cet article que j'avais écris il y a 18 mois, mais toujours à jour pour les premières étapes de la crise. Tout comprendre sur la dette grecque.
Cette volonté d'ingérence des créanciers peut aussi se comprendre car ce fond de privatisation Grec n'est pas à l'abri de la corruption, cela a d'ailleurs déjà été le cas comme je le rapporte dans le billet sur la Grèce cité précédemment.
Mais d'un autre côté, ce que la Grèce vend, des aéroports, des consessions routières, le service public de l'eau, intéresse beaucoup des entreprises notamment allemandes et françaises... De quoi alimenter le doute dans l'opinion grec sur le caractère désintéressé de cette volonté de présider aux destinées des privatisations.
On en est là donc, de nos relations créanciers-débiteurs, plus le temps passe, plus la dette grecque devient insoutenable.. 180% du PIB actuellement. Et toujours aucune discussion sérieuses sur la restructuration de cette dette.
En fait, toutes ces réunions de l'Eurogroupe n'ont pas vocation a résoudre le problème grec mais poursuivent un objectif beaucoup plus politiques et de court terme : il faut passer les élections françaises puis les élections allemandes sans nouvelle crise grecque, et sans aucune remise en cause du paiement par la Grèce de ses créanciers. Même si au final, cela coûtera plus cher économiquement. D'où d'ailleurs les réticences du FMI à embarquer dans le 3ème plan d'aide.
Il y a en plus quelque chose d'étrange à se dire, pour des responsables politiques, qu'aider un pays européen, le sauver de la ruine, sera contre productif électoralement. Drôle de conception du projet européen.
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