

"The Big Short: le casse du siècle", parle de la crise financière de 2008 avec humour et pédagogie. Adoubé par les producteurs américains, nominé 5 fois aux Oscars, le film affirme que rien n'a changé depuis la crise, ce qui a valu à son réalisateur un entretien avec la Maison Blanche.
Fauteuils grenat, femmes choucroutées en robe longue, hommes en smoking noeud pap, au centre de la scène des statuettes d'oscars de taille humaine surmontées par un arc de lumière. Du strass, des paillettes, et cette année, la finance à l'honneur, ou plutôt au pilori: le film "the Big short, le casse du siècle" a été nominé 5 fois cette année. Il a gagné le prix, de la meilleure adaptation, or c'est un film féroce sur Wall Street, plus encore que "Le loup de Wall Street", car tout en restant une comédie, il démystifie la finance, et conclue sur un "Rien n'a changé", "Aucun patron de la finance n'a été condamné par la justice", très proche du message des activistes d' Occupy Wall Street.
Or le film n'a eu aucun problème pour trouver un producteur: Plan B, la société de production de Brad Pitt, qui a des accords avec la Paramount, la plus installée des sociétés de production américaine. Le film n'a pas reçu l'oscar du meilleur fillm ou du meilleur réalisateur, mais celui de la meilleure adaptation d'un film au cinéma, et courant janvier, la Producer's Guild of America, le syndicat des producteurs américains, lui a décerné le prix du meilleur film de l'année, devant "The Revenant", rendez-vous compte... D'où le titre d'un article du Financial Times "Hollywood serait-il passé à gauche?".
Le pitch du film
C'est un film tiré d'un livre de Michael Lewis, un auteur qui écrit régulièrement sur la finance, pour y avoir travaillé. Il revient sur la crise de 2008, et raconte une histoire vraie qui met en scène des personnages (un gérant de fond spéculatif, un patron de fond d'investissement, deux jeunes financiers autodidactes) qui ont en commun d'avoir compris que le marché immobilier américain allait s'effondrer, et avec tout son aréopage de produits financiers toxiques et complexes. Ayant compris cela, ils vont parier sur la crise, en shortant (il n'y a pas de traduction à ce mot), shorter, c'est utiliser une technique qui permet de parier sur la baisse de la valeur d'un titre financier. D'où le nom de "The big short".
Le film est doublement intéressant. Sur la forme, il rompt le récit en faisant intervenir une actrice dans un bain moussant ou un célèbre chef cuistot, qui tout à coup, face caméra, s'adressent au spectateur pour lui expliquer ce qu'est la titrisation, ou encore un CDS et même un CDS synthétique!! Des notions qu'il faut comprendre pour comprendre le film, et donc la crise. Sur le fond, il met en scène des anti-héros, avec qui on peut se sentir en empathie car comme nous, ils trouvent le système complètement fous, mais au final, il vont gagner de l'argent, grâce à la crise: il n'y a donc aucune leçon de morale à la clef.
Succès populaire et critiques
Sorti fin décembre, le film fait un carton au box office. Il a engrangé plus de 124 millions de dollars de recettes, plus de 4 fois son budget. Les critiques de cinéma l'ont encensé. Bernie Sanders, le candidat à la primaire démocrate s'en est lui aussi réclamé.
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Du côté des journaux financiers, ce fut moins unanime, surtout aux Etats Unis. Le Wall Street Journal a fait les comptes, dans un article titré "The big short, ce qui est vrai, ce qui est faux". Des éditorialistes ont pointé des lacunes, la non évocation de la politique monétaire, de la loi Dodd-Franck, qui avait pour but (après la crise) d'éviter les errements du passé.
"C'est une histoire compliquée, conclut un journaliste du Washington Post, pas vraiment pratique pour faire une fin hollywodienne".
Mais "Au moins Hollywood tente de démystifier la complexité", commente une rédactrice en chef du Financial Times, en reconnaissant que beaucoup de problèmes importants passent parfois à la trappe, car ils sont considérés comme trop "boring", embétants, pour les lecteurs. Et de citer les Exchange Traded Funds, ou les tri-party repo.
Cet aspect pédagogique, citoyen même, a valu au réalisateur, Adam Mac Kay d'être reçu le mois dernier par des conseillers du président Obama qui voulaient voir avec lui comment utiliser le pouvoir de la pop culture, dont fait partie le cinéma pour expliquer l'économie.
Si Kim kardashian parlait tous les matins des scandales financiers, peut être que les choses changeraient à terme. Guilllaume Erner la connait bien, pour l'avoir étudié dans " La souveraineté du people", peut être pourrait-on l'inviter un matin? Mais si elle s'intéressait à de vrais sujets, comme la finance, elle ne serait plus Kim Kardashian...
Le réalisateur, recadré par l'administration Obama
Lorsqu'ils ont reçu Adam Mac Kay, les conseillers d'Obama en ont aussi profité pour critiquer la fin du film. Là encore le film fait dans la comédie ironique. Le narrateur, raconte d'abord "Le congrès n'a pas eu d'autres choix que de casser les grosses banques, et de réguler le marché des dérivés". Puis il y a une pause... Le narrateur reprend en disant: "Just kidding, c'est une blague. Les banques ont pris l'argent que les américains leur ont donné et elles l'ont utilisé pour financer leur lobby auprès du congrès, pour qu'aucune vraie réforme ne voit le jour".
Les autres films sur la finance
Il y en a eu plusieurs films sur la crise financière depuis 2008. Des documentaires, je vous conseille "Inside Jobs", ou encore "Cleveland contre Wall Street", et côté fiction "Wall street, l'argent ne dort jamais" d'Oliver Stone, "Le loup de wall street" de Martin Scorsese, "Margin call" qui retrace les 36 heures avant la faillite de Lehman Brother avec Jeremy Irons dans le role de son PDG. Tous ces films font ressortir le cynisme, l'avidité, l'obscenité du monde financier, mais "The Big short" est d'une nature différente car il cherche aussi à faire de la pédagogie, sans pour autant être barbant, un vrai défi (que ce billet cherche aussi à relever tous les matins).
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