L'Euro2016 des stades aux usines d'Asie

Le Vietnam (ici à Hanoi) s'impose comme nouveau centre de production
Le Vietnam (ici à Hanoi) s'impose comme nouveau centre de production ©Reuters - Nguyen Huy Kham
Le Vietnam (ici à Hanoi) s'impose comme nouveau centre de production ©Reuters - Nguyen Huy Kham
Le Vietnam (ici à Hanoi) s'impose comme nouveau centre de production ©Reuters - Nguyen Huy Kham
Publicité

Nike et Adidas se livrent une compétition sans merci pour être sponsors officiels des équipes nationales, des clubs et des joueurs de foot. Les montants s'envolent sans affecter les profits. Solution : produire le moins cher possible. Après l'Asie, les robots semblent être le territoire d'avenir.

L'Euro 2016 est une bonne occasion d'évoquer les marques qui sponsorisent les équipes, de leur compétition acharnée pour gagner ces contrats et de leur modèle économique.

Adidas, Nike, Puma, les trois entreprises qui dominent le secteur, ont une histoire industrielle passionnante. Le rapport du Collectif Ethique sur l'étiquette dont il sera question un peu plus bas en fait un résumé éclairant dans ses premières pages (12 à 16).

Publicité

Toujours à la pointe de l'innovation...

Innovation produit d'abord. Ce sont deux frères Allemands, dans les années 20 qui ont inventé la première chaussure de sport. Après la guerre, ils se disputeront et créeront deux entreprises à tout jamais concurrente: Puma et Adidas.

Innovants, ils le sont aussi dans les méthodes de communication. Ils sont les premiers à sponsoriser des équipes et des sportifs dans les années 60. C'est à ce moment là que né Nike, aux Etats Unis.

Nike innove dans la production. Elle est l'une des première entreprise occidentale à faire produire dans les pays asiatiques à bas coût. Elle est aussi la première à faire l'objet d'une campagne d'indignation internationale après la publication, à la une du magazine Life d'une photo montrant un enfant cousant une paire de basket. C'était en 1996.

... même dans le "social washing"

Comme l'a reconnu son PDG de l'époque, Nike était devenu synonyme de "slave wage", salaire d'esclave. L'entreprise aurait pu ne pas s'en remettre, mais elle s'en est sortie une nouvelle fois en innovant et en créant le concept de "production responsable", (voir ici son dernier S ustainable business report) et les codes de bonnes conduites. Aujourd'hui toutes les marques de vêtement en ont comme gage, souvent affiché plus que réel, de leur vertu.

J'en sais quelque chose pour avoir mené l'enquête au Bangladesh. Tant qu'il est encore à l'écoute, je vous recommande chaudement Made In Bangladesh, le vrai prix de nos habits, un reportage de 30 minutes + 15 minutes de débat + une infographie interactive sur le découpage des coûts d'un tee-shirt que j'avais réalisé en 2014.

Vous remarquerez d'ailleurs que les marques de sport n'ont pas été éclaboussé par le scandale de l'effondrement du Rana Plaza. Peut être justement parce qu'elles étaient en avance sur les autres entreprises sur les précautions à prendre dans ces pays. Vous trouverez une abondante littérature (en anglais) sur les débats chez Nike pour savoir s'il fallait ou non produire au Bangladesh. Ici en anglais: How Nike Solved Its Sweatshop Problem.

Problême pas tout à fait réglé cependant puisque Nike fait régulièrement l'objet de campagnes, et d'illustrations sur ses mauvaises méthodes de production.

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

L'innovation du moment, c'est "la personnalisation de masse", qui permet aux consommateurs de choisir les matières et les couleurs de leurs chaussures, mais nécessite une organisation de la production millimétrée  qui laisse peu de marge de manœuvre au fabricant sous-traitant.

Un modèle économique qui marche mais...

La santé économique de ces entreprises est insolente.

  • Nike a doublé ses versements de dividendes depuis 2010, elle a augmenté ses ventes de 17% récemment.
  • Adidas augmente aussi ses dividendes chaque année et a augmenté ses profits de 18% sur le premier trimestre 2016.
  • La marge brute de Puma dépasse les 46%.

Et pourtant, pourtant le sponsoring leur coûte de plus en plus cher. Nike et Adidas, et dans une moindre mesure Puma alignent les euros pour se piquer les contrats avec les équipes nationales, les clubs ou les joueurs. Le rapport du Collectif Ethique sur l'étiquette a fait le calcul. En 2013, ces trois entreprises avaient dépensé 262 millions d'euros. En 2015, ce montant atteint 405 millions. Vous trouverez ici un article de Basta avec une infographie sur ces différents contrats de sponsoring, et le nombre de salaires décents qui pourraient être payés en regard.

Comment financer cette inflation sans pénaliser les bénéfices, et la redistribution de dividendes? En dégageant, encore plus de marge sur la production.

Car oui, il y a encore des marges à faire. Pourtant, sur un tee-shirt de foot vendu 85 euros en magasin, l'ouvrier ou l'ouvrière n'a coûté que 65 centimes selon le cabinet d'analyse sociétal Basic qui a écrit le rapport Anti-jeu pour le collectif Ethique sur l'étiquette. Ci-dessous leur graphique.

Découpage des coûts réalisé par Basic en s'appuyant sur des sources internes
Découpage des coûts réalisé par Basic en s'appuyant sur des sources internes
- BASIC

Si vous ajoutez le tissu et la marge du fabricant, le tee-shirt sort de l'usine à 5 euros. Et bien, on peut faire mieux!

Comment? En quittant la Chine, qui devient trop chère. Le rapport cite des documents internes d'Adidas et Nike qui présentent l'augmentation des salaires en Chine comme une menace pour leur valeur ajoutée. Dommage, la Chine est le seul pays où le salaire moyen versé aux salariés est supérieur au salaire estimé décent par l'ONG Asian Floor Wage. Un salaire décent qu'est ce que c'est? c'est un salaire qui permet, sans heure supplémentaire, de loger, nourrir, soigner et éduquer une famille de 4 personnes. Vous trouverez ici le dernier rapport de cette ONG, avec en page 31, un graphique qui montre l'écart entre les salaires minimum en vigueur et le salaire décent.

Le salaire augmentant en Chine, la part des chaussures made in China baisse. 35 à 28% entre 2011 et 2015 pour Nike, 44 à 27% pour Adidas. Où partent les usines? Vietnam, Cambodge, et de plus en plus Birmanie, comme l'explique Nayla Ajaltouni, du collectif Ethique sur l'étiquette dans ce son.

Nayla Ajaltouni dénonce le modèle économique des géants du sport

1 min

Que ces entreprises cherchent à maximiser leur profit au détriment des ouvriers d'Asie, ça n'a rien d'étonnant, mais cela tranche avec leurs discours sur leur responsabilité sociale et la longueur des rapports qu'elles produisent pour défendre leur engagement "soutenable". Ici le rapport d'Adidas sur ses bonnes pratiques dans sa chaîne de production.

Puma, la seule des trois à avoir répondu à mes questions jure que ses sous traitants respectent les salaires légaux en vigueur... c'est le minimum on a envie de dire, mais permettent-ils de vivre décemment? Éternelle question.

Qu'Adidas pourra peut être éluder totalement à l'avenir. Elle vient de lancer une ligne de production en Allemagne. Relocalisation? Non, robotisation. Une usine futuriste, qui va être reproduite aussi aux Etats Unis.

Encore une fois, à la pointe de l'innovation.