Le CETA nuira-t-il au climat?

Avec le CETA, le Canada espère exporter plus de sables bitumineux, extraits notamment ici à Fort Mac Murray dans l'Alberta
Avec le CETA, le Canada espère exporter plus de sables bitumineux, extraits notamment ici à Fort Mac Murray dans l'Alberta ©Reuters - Todd Carol
Avec le CETA, le Canada espère exporter plus de sables bitumineux, extraits notamment ici à Fort Mac Murray dans l'Alberta ©Reuters - Todd Carol
Avec le CETA, le Canada espère exporter plus de sables bitumineux, extraits notamment ici à Fort Mac Murray dans l'Alberta ©Reuters - Todd Carol
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A deux semaines de sa signature, la ministre de l'environnement S. Royal a dit vouloir vérifier que l'accord de libre échange avec les Canadiens (le CETA) était compatible avec l'accord de Paris sur le réchauffement climatique. La réponse dépend de votre état d'esprit: méfiant ou confiant?

Le CETA est-il climato-compatible? Le débat monte à ce sujet. Au point que début octobre, la ministre de l'environnement, Ségolène Royal, a dit vouloir vérifier que cet accord de libre échange avec les Canadiens était bien compatible avec l'accord de Paris.

NOTA BENE: Ceci est une version augmentée du billet diffusé ce matin à la radio. Plus long, avec plus d'infos et les liens vers toutes les sources.

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Cette vérification aurait pu arriver plus tôt, cela fait deux ans que la négociation avec les Canadiens est terminée et que le traité est sur la table pour ratification, il était donc disponible au moment où on a négocié l'accord de Paris. Ce décalage est problématique, mais il n'a rien de nouveau: les droits du commerce et de l'environnement ont toujours évolué de manière parallèle, voire indépendante. Lors des négociations sur l'accord de Paris, l'Union Européenne a même plaidé pour que le commerce ne soit pas mentionné dans cet accord, comme le montre cette note interne qui a fuité il y a un an.

Réponse : un gros point d'interrogation

Après consultation avec les autres ministres de l'environnement de l'UE, la ministre de l'environnement française est rassurée, car sera publié aujourd'hui une déclaration interprétative du CETA dans laquelle sera mentionné l'accord de Paris sur le réchauffement climatique.

Le CETA est-il climato-compatible? Pour ma part, je vais devoir répondre, je vous le dis déjà par un gros point d'interrogation...

Non pas que je ne veuille pas me mouiller, mais il est impossible de répondre aujourd'hui OUI ou NON. A lire le texte, on peut penser qu'il y a des garanties, mais on peut aussi se dire qu'elles ne sont que de la poudre aux yeux, car tout dépend de la façon dont les parties, Union européenne et le Canada en feront usage.

Donc en gros, c'est une question d'état d'esprit. Soit vous êtes méfiants, soit vous ne l'êtes pas.

Dans le camp des méfiants, voire des alarmistes, vous avez les ONG et tous les politiques, belges autrichiens, ou français qui s'opposent à ce traité, et dans le deuxième camp, celui des confiants, vous avez la commission européenne, les ministres du commerce de l'UE dont le français Mathias Fekl, et les milieux d'affaires franco-canadien.

Quid des sables bitumineux?

Pour illustrer cette divergence d'approche, prenons un produit typiquement MADE IN CANADA, et qui n'est pas très climato-compatible : les sables bitumineux. Ce pétrole est de l'avis de tous les écologistes, une horreur absolue, et même "une catastrophe écologique mondiale", selon Greenpeace Canada.

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Son extraction, son exploitation, son transport, son utilisation... émettent beaucoup plus de gaz à effet de serre que les pétroles conventionnels, 1.5 fois plus, selon la Fondation Hulot. Propos validé par cette plaquette du gouvernement du Canada qui compare les émissions de Gaz à effet de serre des différents pétroles.

Si l'Union européenne accepte le CETA, il lui sera, affirme cette association et beaucoup d'autres, impossible ensuite d'interdire l'importation de ces sables bitumineux. Du coup, il sera plus difficile de remplir les objectifs de réduction de gaz à effet de serre, tels que stipulé dans l'accord de Paris il y a un an...VERDICT accord non climato-compatible.

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Selon Maximes Combes (Attac), l'Union Européenne aurait elle même conclu il y a 4 ans que le CETA conduirait à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Voir ici le document officiel (que je n'ai pas lu).

Des garanties dans le texte

A cette inquiétude, le camp des confiants répond : non, bien sûr que NON, puisqu'il y a dans le traité des garanties fortes sur l'environnement.

Pour retrouver vous même les passages du traité qui parlent d'environnement, vous pouvez aller dans le traité de 1598 pages (en espérant que vous parliez anglais) puis vous faites CTRL F, mot clé environment, et vous tombez alors sur 191 occurrences.

Dès le préambule il est écrit que les parties:

Réaffirmant leur engagement à promouvoir le développement durable, et le développement du commerce international qui s'inscrit dans cette démarche durable; aussi bien sur le plan économique, que social ou environnemental. REAFFIRMING their commitment to promote sustainable development and the development of international trade in such a way as to contribute to sustainable development in its economic, social and environmental dimensions;

Un peu plus loin encore, page 46, article 8.9

"Les Parties au traité ont le droit de réguler sur leur territoire pour atteindre des objectifs tels que la protection de la santé et de l'environnement". "Parties reaffirm their right to regulate within their territories to achieve legitimate policy objectives, such as the protection of public health, safety, the environment or public morals, social or consumer protection or the promotion and protection of cultural diversity"

C'est écrit en effet, à diverses reprises, nous aurons toujours le droit de réguler. Encore heureux a-t-on presque envie de dire... mais utiliserons nous ce droit à réguler?

C'est là que les deux camps se forment. Le camp des méfiants dit : non. Possible que l'UE s'abstienne de réguler sur les sables bitumineux à l'avenir car elle craindra, à juste titre, d'être ensuite attaquée par une compagnie pétrolière canadienne, sur le mode : votre législation anti-bitumineux est une entrave au commerce. Ce risque contentieux existe clairement puisque le CETA renvoi à l'arbitrage privé en cas de litige... (pas à l'arbitrage type ISDS mais à une nouvelle forme d'arbitrage para-publique dit ICS, qui tente de limiter les conflits d'intérêt mais fonctionne de la même façon (cela pourrait mériter une chronique en soit :)

Ce risque de non régulation existe. Ce n'est pas de la fiction. En 2014, l'Union Européenne a émis une directive sur la qualité des carburants, et très bizarrement, elle n'a pas considéré que les sables bitumineux était différents des autres pétroles...

Pour les méfiants, c'est la preuve qu'avant même que le CETA ne soit signé, il a déjà eu cet effet dissuasif. Et de citer d'autres reculades européenne récentes, sur le glyphosate, ou les OGMs, deux produits pour lesquels les Canadiens, comme par hasard ne voient pas où est le problème...

Le texte peut réaffirmer le droit à réguler des centaines de fois, s'il n'est pas utilisé, il sera inopérant. C'est ce "si" qui empêche de répondre à la question.

La déclaration interprétative: une solution?

Pour faire taire ces critiques, la commissaire européenne au commerce va présenter avec son homologue canadien ce qu'on appelle une déclaration interprétative du CETA. Une version avait déjà fuité début octobre. Selon mes informations, celle qui sera présentée aujourd'hui mentionnera clairement l'accord de Paris sur le réchauffement climatique.

Cependant, cela n’empêchera pas les méfiants de le rester, car cette déclaration n'est pas plus contraignante que les passages du traité qui disent que les parties visent une "haute protection environnementale".

Ce sont des mots. Ils donnent le ton, mais au final ce sera aux arbitres du tribunal arbitral d'en juger si un contentieux arrive... pourvu qu'on laisse au contentieux l'occasion d'arriver.

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