Le prix du pétrole augmente : une bonne nouvelle?

Puits en Sibérie. Le pétrole est la première source de revenu pour la Russie.
Puits en Sibérie. Le pétrole est la première source de revenu pour la Russie.  ©Reuters - Sergei Karpukhin
Puits en Sibérie. Le pétrole est la première source de revenu pour la Russie. ©Reuters - Sergei Karpukhin
Puits en Sibérie. Le pétrole est la première source de revenu pour la Russie. ©Reuters - Sergei Karpukhin
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Le marché pétrolier repart à la hausse et les prévisions des analystes s'envolent: 55, 60, 80 dollars le baril. Ils nous annonçaient un pétrole à 20 dollars au début de l'année. Pourquoi ce brusque changement de tendance? A qui profite-t-il?

Le cours du pétrole a atteint son niveau le plus élevé depuis 4 mois mardi. Il est remonté autour de 40 dollars le barril. C'est une bonne nouvelle, enfin pas pour tout le monde puisque le prix de l'essence à la pompe va remonter, mais on a tellement dit qu'un pétrole peu cher était catastrophique qu'il faut rester un peu logique, et se réjouir (au moins le temps de ce billet) quand la tendance s'inverse.

Pourquoi cette inversion de tendance?

Je simplifie un peu mais en gros, il y a 4 facteurs qui déterminent le prix du pétrole. La demande, l'offre, la géo-politique et la spéculation. La demande dépend de la croissance mondiale, et comme on l'a vu hier avec les prévisions pessimistes du FMI, ça ne vient pas de là. (Billet du 13 avril: Le risque de stagnation séculaire). L'organisation des pays producteurs de pétrole, l'OPEP a publié hier un rapport qui prévoit d'ailleurs une baisse de la demande en 2016.

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Cela ne vient pas de l'offre non plus. Le nombre de barils produits n'a pas décliné ces derniers mois. C'est donc la géo-politique qui tire les prix vers le haut et plus précisément les spéculations des acteurs financiers à propos de la géo-politique.

Une grande réunion des pays OPEP et non OPEP, a lieu ce weekend à Doha, et pour une fois, il semble possible qu'un accord soit trouvé, non pas pour baisser la production, mais au moins la geler. Si les prix ont bondi avant hier, c'est parce que la porte parole du ministre russe de l'énergie a déclaré à Reuters, l'agence de presse financière, que son ministre, et le ministre du pétrole saoudien avait discuté d'un gel de la production, et qu'ils abordaient la réunion de ce weekend avec optimisme.

Rien n'est fait, rien n'est décidé, l'Iran a déjà annoncé qu'il n'irait pas à cette réunion et n'avait aucune intention de restreindre ses ambitions productives, mais il en faut peu aux marchés pour passer d'une logique baissière à une logique haussière. Et clairement, l'ambiance est maintenant à la hausse. Les marchés pétroliers sont "bullish" comme on dit dans le jargon.

Les dirigeants des plus grands négociants de pétrole étaient réunis cette semaine en Suisse, et ils prédisent un barril à 50 dollars d'ici l'an prochain, et même 80 dollars en 2017, rapporte Bloomberg. Le directeur de la division matières premières de Goldman Sachs table maintenant sur un baril à 55 dollars, après avoir prédit 20 dollars en janvier. (Billet économique du 7 janvier 2016, "[Les cours du pétrole : une belle histoire](http:// http://www.franceculture.fr/emissions/culture-eco/les-cours-du-petrole-une-belle-histoire)).

La justesse des prédictions n'est pas importante en finance, que le pétrole soit cher ou pas cher peu importe, ce qui compte c'est que les prix varient. Or comme la hausse actuelle n'est pas liée aux données fondamentales de l'OFFRE et de la DEMANDE, les prix ont toutes les chances de rester volatils. Ce qui est une très bonne nouvelle pour le secteur financier.

Une bonne nouvelle pour les financiers et....

C'est aussi une bonne nouvelle pour les pays producteurs. Russie, Venezuela, Nigeria, Algérie, beaucoup de pays ont des budgets sous tension quand les prix du pétrole sont bas (Billet du 11 janvier: 2016, le retour de la dette africaine?) avec des risques de tension sociale. Il y a en ce moment par exemple des grèves dans le secteur pétrolier au Koweit, contre l'austérité.

Ensuite, la vie est plus facile pour les banques centrales, qui ont du mal à lutter contre la déflation quand les prix de l'énergie sont en baisse.

Et puis, c'est mieux aussi pour la planète. Quand le pétrole ne coûte rien, il n'y a plus d'incitation économique à limiter sa consommation et favoriser la transition énergétique.

"Dans le scénario « Prix du pétrole bas », écrit l'Agence International de l'Energie dans son Rapport Mondial 2015 l'allongement des périodes de retour sur investissement signifie que le monde perd près de 15 % des économies d’énergie mises en évidence dans notre scénario central, soit 800 milliards de dollars qui ne seront pas consacrés à l'amélioration de l'efficacité des voitures, des camions, des avions et d'autres équipements grand public, ce qui ralentit une transition énergétique indispensable".

Quand le pétrole n'est pas cher, les énergies renouvelables ou recyclées ne sont plus compétitives, et donc moins attrayantes.

Nous voilà renvoyés, pour des raisons purement économiques, vers l'économie linéaire la plus dure, puisque le prix de la matière première secondaire ou recyclée est plus élevé que le prix de la matière première vierge, écrit Corinne Lepage dans cet article.

Mais, tout n'est jamais noir ni blanc, et la période précédente n'a pas eu QUE des effets négatifs. Il a rendu les investissements dans les gaz de schistes de moins en moins rentables. Par ricochet, le prix du gaz a baissé, et comme le rapporte cet autre article d'actuenvironnement.com, "cet effet baissier sur le marché du gaz a modifié par effet de levier les investissements, encourageant ceux dans les centrales à gaz combiné". Enfin, des pays comme l'Inde et l'Indonésie en ont profité pour réduire leurs très fortes subventions aux énergies fossiles.

Vont-ils poursuivre cette politique si les prix du pétrole augmente de nouveau, ou laisser leur population absorber cette augmentation des prix? Enfin, il y a aussi un lien entre le prix des denrées alimentaires et le prix du pétrole, comme le souligne [cette étude de la Banque Mondiale](http:// http://www.worldbank.org/en/topic/poverty/publication/food-price-watch-june-2015-prices-hit-five-year-low-impact-of-low-oil-price-on-global-food-prices-poverty-and-inequalit) qui notait en juin dernier que les prix du blé, du maïs et du riz n'avaient jamais été aussi bas en 5 ans.y