Le projet de loi Sapin 2 est voté aujourd'hui au parlement. L'article 13 âprement discuté prévoit la création d'un registre des "représentants d'intérêt" = les lobbys. La transparence n'est pas réellement de mise, mais il faut dire qu'on part de quasi rien sur ce sujet essentiel de démocratie.
La régulation des lobbys fait partie du projet de loi Sapin 2 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique qui sera voté solennellement aujourd'hui à l'assemblée. C'est l'article 13. 250 amendements avaient été déposés, preuve de l'intérêt des députés pour ces dispositions qui les concernent directement. La discussion s'est faite dans la nuit de mardi à mercredi dernier puis mercredi en fin d'après midi, dans un hémicycle clairsemé.
C'est un sujet essentiel. On est à la jointure entre l'intéret général, dont sont garants les parlementaires, et l'intérêt privé, que défendent les lobbys, souvent économiques, en essayant d'influencer les parlementaires et au delà.
Cette démarche n'est pas répréhensible en soit. Il est normal de consulter les représentants d'intérêt, c'est comme ça qu'on nomme les lobbys dans le projet de loi, pour savoir comment telle ou telle législation peut les impacter, comment on peut l'améliorer, éviter les effets pervers.... Que des professionnels rédigent des amendements clefs en main pour les parlementaires, c'est une pratique courante, connue, le medef, les syndicats de salariés, les fédérations du lait, du sucre, ou autre, les ONG... tous ont intérêt à faciliter le travail des parlementaires.
Le problème c'est qu'il n'y a pas de traçabilité de cette empreinte normative, c'est à dire de l'impact des lobbys sur les lois, pas de transparence donc, et des pratiques encore douteuses. Vous avez peut être entendu parler du "Club des parlementaires amateurs de havane" financé par l'industrie du tabac. J'ai appris hier que des assistants parlementaires étaient parfois directement payés par des lobbys. Ce n'était ni autorisé, ni interdit, on part donc de très très loin sur ce sujet.
Le projet de loi sapin 2 est-il une avancée?
Forcément, car il n'y avait quasiment rien. Les lobbystes pouvaient s'inscrire sur un registre, mais ce n'était pas obligatoire. Dorénavant ça le sera. Pour pouvoir entrer en contact, pas seulement avec les parlementaires, mais aussi avec les membres du Gouvernement, le Premier ministre, leurs collaborateurs, les élus locaux, les hauts fonctionnaires de l’Etat et même le président de la République, les représentants d'intérêt devront être inscrit sur un répertoire tenu par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique.
Il sera dorénavant interdit d'offrir des cadeaux, d'une valeur significative.. et de communiquer des informations délibérément erronées... Pas le droit de mentir éhontément en gros. On a envie de dire. Bien, ça progresse.
Le problème, comme toujours c'est le contrôle qui sera fait de ces obligations. Tous les 6 mois, les lobbystes devront rédiger un bilan d'activités dans lequel il détailleront, et c'est là que les mots sont importants LEUR PRINCIPALES ACTIONS de lobbying. Libre à eux de définir ce qu'est une action principale, en tout cas TOUTES ne sont pas à consigner. Ce bilan d'activité pourrait se réduire à: tel jour, rencontre de Mr x, sujet évoqué Y. Point.
Des députés ont cherché à préciser ce bilan d'activité pour qu'il permette de retracer l'empreinte normative des lobbys, qu'ils publient clairement les amendements qu'ils ont proposé, leurs argumentaires, leurs dépenses dans le détail... Sans succès.
Autre lacune, sur les sanctions. En cas de manquement à leurs obligations les représentants d'intérêt risquent une mise en demeure, et en cas de nouveau manquement une sanction pourra être décidé, mais elle ne sera pas forcément publique. Un député communiste a dénoncé un "Couteau sans lame dont on aurait retiré le manche".
Les débats sur cet article sont très intéressants, vous les retrouverez ici et ici.
Au final le rapporteur du projet de loi Sébastien Denaja a répondu a eu un avis défavorable sur 126 des 150 amendements discutés en séance publique. Avec cet argument récurrent: "Trop d'information pourrait créer de l'opacité". Étrange formule...
Un registre sans information, sans publicité des sanctions, sans sanction dissuasive créera-t-il lui de l'efficacité? Sur les lobbys le projet de loi sapin 2 prévoit donc une RELATIVE transparence.
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