

Annoncée depuis plus de deux ans, la loi Sapin 2 vise, selon son titre, à lutter contre la corruption et favoriser la transparence de la vie économique. Une loi fourre-tout, nécessaire, et qui vise à redorer le blason d'un PS déchiré par le projet de loi Travail.
Comme souvent, quand un projet de loi a un titre trop long, on le résume en donnant le nom du ministre qui va le soutenir. Le titre du projet de loi qui arrive ce 6 juin à l'assemblée nationale, c'est : projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption, et à la modernisation de la vie économique ( voir le texte ici), mais on la surnomme partout loi Sapin 2.
Pourquoi ce 2? Parce qu'il y a une loi Sapin 1. Une loi qui ne date pas de cette législature, mais de 1993! Voilà qui ne nous rajeunit pas! En 1993, Michel Sapin était déjà ministre de l'économie, du gouvernement Bérégovoy, ce qui montre à quel point le personnel politique se renouvelle dans notre pays.

Pour les curieux, une autre photo du ministre avec Ségolène Royal en 1993 dans cet article.
Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a des points commun entre la loi Sapin 1 et la loi Sapin 2. D'abord le thème anticorruption.
Le vrai titre de la loi Sapin 1 c'est : loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (voir ici le texte de cette loi). Vous voyez qu'on est très proche du titre de la loi Sapin 2, avec un mot en plus, le mot publique.
Dans ces années là, le financement des partis politiques faisait régulièrement la une. Souvenez-vous des scandales dans l'attribution de marchés publics, ou de délégations de service public, notamment dans l'eau. Souvenez-vous de feu la Compagnie Générale des eaux. Il y avait cruellement besoin de règles : règles qu'a donc défini la Loi Sapin 1, avec succès d'ailleurs. Les bilans qui sont tirés de cette loi, encore 23 ans après, sont généralement positifs. Sur l'aspect "Délégation de service public dans le secteur de l'eau", un observatoire de la loi Sapin 1 a même été créée en 1999. Voir ici un de ces derniers rapports.
Pourquoi une loi pansement?
La loi Sapin 1 venait panser les plaies d'une actualité brûlante et redorer le blason d'un personnel politique mis à mal par les scandales de surcommissions, or certaines dispositions du projet de loi Sapin 2 répondent elles aussi à des scandales à répétition.
Prenez... l'évasion fiscale... Le dernier scandale en date, ce sont les Panama Papers, mais avant cela il y a eu Off Shore Leaks et Lux Leaks, deux autres fuites sur les pratiques douteuses des entreprises, notamment au Luxembourg. Pour répondre à ce problème d'optimisation fiscale, dite agressive, le texte prévoit que les plus grandes entreprises déclarent les impôts qu'elles paient dans l'Union européenne et dans les paradis fiscaux. Pour les ONG mobilisées sur ce sujet qui entendent parler de cette loi Sapin 2 depuis plus deux ans, cela ne va pas assez loin. Elles réclament un reporting public total sur tous les pays, certains députés socialistes les soutiennent. Ce sera d'ailleurs l'un de poins chaud de discussion.
Autre sujet brûlant, les lanceurs d'alerte. En un an, deux d'entre eux sont passés devant des tribunaux étrangers, alors même qu'ils ont aidé la France a récupérer des millions d'euros échappés du fisc. Hervé Falciani (affaire UBS) a été condamné en novembre 2015 pour espionnage économique par le Tribunal pénal fédéral (TPF) de Bellinzone (canton du Tessin). Antoine Deltour et un autre auditeur de PWC (affaire Luxleaks) ont eux été condamné à 18 mois de prison avec sursis au Luxembourg. Le projet de loi Sapin 2 prévoit donc de mieux protéger les lanceurs d'alerte. D'autres mesures sur les lanceurs d'alerte ont déjà été votées au parlement précédemment, mais visiblement, elles n'ont pas été à la hauteur.
Dernier sujet d'actualité, la rémunération des dirigeants. Le gouvernement espère éteindre le feu du scandales sur ces rémunérations très élevées, par une disposition qui permettra aux avis des assemblées générales sur les salaires du PDG de n'être pas seulement consultatif. Une façon d'éviter qu'une nouvelle affaire Ghosn ne se profile ( le PDG de Renault a obtenu une augmentation de salaire, alors que les actionnaires s'étaient prononcés contre). Mais des députés veulent aller plus loin, et ont déposé des amendements pour limiter l'écart des salaires dans l'entreprise. Voir ici un précédent billet sur le marché mondial des PDG et les difficultés à légiférer sur la question.
L'examen de ce projet de loi Sapin 2 nous promet donc de belles empoignades encore à gauche, mais d'une nouvelle nature. Ne s'y opposeront pas les frondeurs et les sociaux-libéraux, mais les pourfendeurs de la corruption, et les super pourfendeurs de la corruption! La course à l’échalote est lancée, mais sur des thématiques au fond consensuelles. De quoi panser aussi les plaies laissées par la loi Travail dans les rangs socialistes.
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